Par une décision du 5 mai 2025, le Conseil d’État précise les conditions de refus de communication des archives publiques pour motif de charge disproportionnée. Un chercheur sollicite en juillet 2022 la consultation de documents relatifs à la police française de Shanghai conservés au centre des archives diplomatiques de Nantes. L’administration rejette implicitement cette demande suite à un avis de la commission d’accès aux documents administratifs mentionnant des risques liés à la présence d’amiante. Le tribunal administratif de Paris rejette le recours pour excès de pouvoir par un jugement du 30 juin 2023 en validant l’impossibilité matérielle invoquée. Le requérant saisit le Conseil d’État en arguant que la manipulation des cartons contaminés ne constitue pas une charge excessive au regard de ses travaux. Il convient de déterminer si l’administration peut légalement opposer des difficultés techniques sans évaluer l’intérêt scientifique de la demande pour la documentation de l’histoire. Le Conseil d’État censure le raisonnement des juges de première instance en raison d’une erreur de droit flagrante et d’une appréciation erronée des faits.
I. Le renforcement de l’office du juge en matière d’accès aux archives
A. L’appréciation de la légalité au jour où le juge statue
La haute juridiction écarte le principe traditionnel selon lequel la validité d’une décision administrative s’apprécie au moment de sa signature par l’autorité compétente. Il appartient désormais au juge de « se placer à la date à laquelle il statue » pour tenir compte de l’écoulement du temps. Cette mutation procédurale vise à « conférer un effet pleinement utile à son intervention » en intégrant les progrès matériels réalisés par les services publics d’archives. Le juge administratif vérifie ainsi si l’impossibilité de communiquer les documents persiste au moment où il exerce son contrôle souverain sur la décision de refus.
B. Le contrôle rigoureux de l’impossibilité matérielle de communication
Le Conseil d’État reproche au tribunal administratif de Paris d’avoir dénaturé les pièces du dossier en validant le motif de la contamination par l’amiante. L’administration s’est pourtant abstenue de produire des éléments actualisés concernant l’achèvement des travaux de désamiantage programmés dans la salle de conservation des fonds diplomatiques. Le juge doit s’assurer que les opérations nécessaires à la consultation ne font pas peser sur le service une « charge de travail disproportionnée au regard des moyens ». Cette vérification impose une analyse concrète des outils disponibles pour sécuriser les manipulations ou proposer un support de substitution aux lecteurs de la salle.
II. La consécration d’un bilan entre contraintes administratives et intérêt de la recherche
A. La prise en compte de l’intérêt du demandeur et du public
Le refus de communication suppose une mise en balance entre les contraintes de l’organisme et l’« intérêt qui s’attache à cette communication pour le demandeur ». Le tribunal administratif a commis une erreur de droit en omettant d’évaluer la pertinence des documents sollicités pour la réalisation de quatre films documentaires historiques. Le juge souligne que l’intérêt du public pour la connaissance de l’histoire de la police de Shanghai doit être confronté aux difficultés de manipulation sanitaire. Cette obligation d’examen personnalisé garantit que le droit d’accès aux archives publiques ne soit pas vidé de sa substance par de simples considérations budgétaires.
B. La protection du droit à l’information et au patrimoine historique
La décision réaffirme la primauté de la communication des archives publiques qui sont destinées à la documentation historique selon les dispositions du code du patrimoine. L’administration doit justifier précisément l’absence de solution technique alternative comme la dématérialisation avant de rejeter définitivement une demande de consultation sur un fond. Cette jurisprudence oblige enfin les services de l’État à une transparence accrue sur l’état réel de conservation des documents et sur les risques encourus. Le renvoi de l’affaire devant le tribunal administratif permettra d’établir si les conditions de sécurité sont réunies pour l’accès aux archives de Shanghai.