10ème chambre du Conseil d’État, le 15 avril 2025, n°495417

Le Conseil d’État a rendu, le 15 avril 2025, une décision précisant les modalités de notification électronique des convocations dans le cadre des demandes d’asile. Un ressortissant étranger a formulé une demande de protection auprès de l’administration compétente sans consulter sa convocation sur son espace numérique sécurisé personnel. L’autorité administrative a rejeté sa demande après un examen basé sur ses seules déclarations écrites, faute pour l’intéressé de s’être présenté à son entretien obligatoire. La Cour nationale du droit d’asile, par une décision du 24 avril 2024, a annulé ce refus et renvoyé l’examen du dossier devant l’autorité administrative. L’administration s’est pourvue en cassation pour obtenir l’annulation de cette décision rendue par la juridiction spécialisée dans le domaine complexe du droit d’asile. La question posée au juge est de savoir si la notification électronique d’une convocation est régulière en cas d’absence de consultation par le demandeur d’asile. Le Conseil d’État juge que la procédure électronique s’applique aux convocations et que le délai de quinze jours crée une notification régulière réputée avoir été reçue. Cette solution impose d’étudier la validation du procédé de notification dématérialisée puis les effets juridiques attachés à l’absence de consultation de l’espace numérique sécurisé.

I. La validation du procédé de notification dématérialisée des convocations

La décision commentée consacre la légalité de l’utilisation des moyens électroniques pour informer les demandeurs d’asile de la tenue de leur entretien individuel obligatoire.

A. L’extension réglementaire du champ de la notification électronique

Le Conseil d’État rappelle que les textes prévoient un procédé électronique pour la notification de la décision finale ainsi que pour celle de la convocation. Il s’appuie sur le code de l’entrée et du séjour des étrangers pour affirmer que l’administration convoque le demandeur selon les modalités du portail. La décision souligne qu’un procédé électronique a été mis en place pour la notification de la convocation à l’entretien exigé par les dispositions du code. Cette interprétation permet d’harmoniser les pratiques de l’administration et de garantir une gestion fluide des flux importants de demandes de protection internationale sur le territoire. La juridiction administrative supérieure s’oppose ainsi à une lecture trop restrictive qui aurait limité la dématérialisation aux seules décisions de rejet ou d’admission au statut.

B. La sanction de l’erreur de droit commise par le juge du fond

La Cour nationale du droit d’asile avait estimé, à tort, que cette procédure de notification numérique n’était pas légalement prévue pour les convocations aux entretiens individuels. Le Conseil d’État censure ce raisonnement en jugeant qu’en décidant ainsi, la juridiction spécialisée a entaché sa décision d’une erreur de droit manifeste et caractérisée. Il précise qu’il résulte des dispositions combinées des articles réglementaires qu’un tel procédé électronique garantit une identification fiable de l’expéditeur ainsi que du destinataire final. La haute assemblée restaure ainsi la pleine efficacité des outils numériques mis à la disposition de l’autorité administrative pour assurer le traitement rapide des demandes d’asile. Cette validation formelle de la procédure électronique ouvre la voie à l’examen des conséquences juridiques découlant du comportement ou de la négligence du demandeur intéressé.

II. Les effets juridiques de la fiction de notification par le délai

La solution retenue par les juges du Palais-Royal porte principalement sur la valeur probante du délai de quinze jours en cas de silence du destinataire de l’acte.

A. La mise en œuvre de la notification réputée acquise

Le juge administratif valide le principe selon lequel, en l’absence de consultation de la convocation, celle-ci est « réputée lui avoir été notifiée » après quinze jours. Cette fiction juridique repose sur l’obligation pour le demandeur de se connecter régulièrement à son espace personnel conformément aux informations qui lui ont été fournies initialement. La date de mise à disposition est garantie par un procédé d’horodatage électronique et établie par la délivrance d’un accusé de réception automatique. Le système de notification électronique assure ainsi la sécurité juridique de la procédure administrative sans que l’absence de lecture effective ne puisse bloquer l’instruction du dossier. La passivité de l’usager ne saurait dès lors constituer un obstacle insurmontable à la continuité du service public ou au respect des délais raisonnables de jugement.

B. L’absence d’obligation de nouvelle convocation pour l’administration

Le Conseil d’État conteste que l’administration doive s’assurer de manière certaine de la réception de la convocation avant de prendre une décision sur le fond. Il estime que l’autorité administrative ne peut être tenue de procéder à une nouvelle convocation lorsque la notification électronique initiale a été régulièrement et valablement accomplie. L’envoi d’alertes par message téléphonique vient renforcer la régularité de la procédure sans pour autant devenir une condition supplémentaire de validité de la décision de rejet. La décision du 15 avril 2025 confirme que le respect des formes de notification suffit à justifier la légalité externe de l’acte administratif contesté devant le juge. Par cette solution, le juge administratif de cassation assure un équilibre entre les droits des administrés et les impératifs d’efficacité de l’administration chargée de l’asile.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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