1ère – 4ème chambres réunies du Conseil d’État, le 17 avril 2025, n°492418

    Le Conseil d’Etat a rendu une decision le 17 avril 2025 relative au controle de la duree du travail par l’administration. La haute juridiction precise les modalites de decompte du temps de travail lorsque les salaries ne suivent pas un horaire collectif. Une societe a fait l’objet d’un controle de l’inspection du travail au sein de l’un de ses etablissements industriels. L’administration a prononce une amende de 18 390 euros pour manquement aux obligations de decompte prevues par le code du travail. Le tribunal administratif de Caen a rejete la demande d’annulation de cette sanction par un jugement du 23 mars 2023. La cour administrative d’appel de Nantes a rejete l’appel forme contre ce jugement par un arret rendu le 9 janvier 2024. La requérante soutient que son systeme informatique de declaration anticipee respecte les dispositions legislatives et reglementaires en vigueur actuellement. Le probleme juridique porte sur la validite d’un dispositif de decompte comportant une rectification hebdomadaire des heures declarees par les salaries. Le Conseil d’Etat annule l’arret d’appel en jugeant qu’une discordance provisoire ne suffit pas a disqualifier la fiabilite du systeme. L’analyse portera d’abord sur la reconnaissance du systeme de decompte par anticipation avant d’etudier la censure d’une interpretation trop formaliste.

I. La reconnaissance d’un systeme de decompte par anticipation

A. L’admission du recours aux outils de gestion previsionnelle     Le juge administratif valide l’utilisation d’un outil informatique comportant « pour chaque salarie ses heures de travail anticipees ». Cette solution consacre la legalite des pratiques de gestion previsionnelle au sein des services ne suivant pas d’horaire collectif. L’employeur peut organiser le suivi de l’activite sans imposer un enregistrement manuel systematique au debut de chaque journee de travail. La haute juridiction admet que la declaration prealable constitue une modalite valable de decompte du temps de travail effectif. Cette position pragmatique favorise l’usage des technologies numeriques tout en respectant les imperatifs de controle de la duree du labeur.

B. L’encadrement par les principes d’objectivite et de fiabilite     Le systeme mis en œuvre doit cependant garantir que les donnees enregistrees presentent un caractere « objectif, fiable et accessible ». L’employeur a l’obligation d’assurer la correction des discordances entre le nombre d’heures anticipe et le nombre d’heures reellement accomplies. La decision souligne que la brievete du delai de rectification participe a la validite globale du dispositif de controle horaire. Le juge verifie ainsi que les droits des salaries sont preserves malgre la nature provisoire des informations saisies initialement. Cette rigueur dans le controle des donnees permet d’envisager la portee de la censure prononcee contre les juges d’appel.

II. La censure d’une interpretation formaliste de l’obligation de decompte

A. Le rejet de l’exigence d’une concordance immediate des donnees     La cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit en exigeant une exactitude quotidienne absolue du relevé. Elle estimait que le dispositif ne permettait pas un decompte effectif car les heures pouvaient ne pas correspondre a la realite. Le Conseil d’Etat ecarte cette vision en jugeant que la discordance temporaire est « inherente a un tel systeme » informatique. L’absence de correspondance immediate ne saurait conduire a ecarter les garanties d’objectivite et de fiabilite requises par le code. Le juge privilegie la finalite de l’enregistrement hebdomadaire sur la forme instantanee de la saisie des donnees numeriques par les employeurs.

B. La securisation des pratiques de gestion du temps de travail     L’arret du 17 avril 2025 offre une souplesse bienvenue aux etablissements utilisant des logiciels de gestion integres de l’activite professionnelle. Le Conseil d’Etat refuse de sanctionner des erreurs materielles transitoires qui sont appelees a etre corrigées a l’echelle de la semaine. Cette jurisprudence limite le risque d’amendes administratives automatiques des lors que la procedure de rectification interne demeure claire et efficace. L’affaire est renvoyee devant les juges du fond pour apprecier si le delai de correction respecte les criteres de fiabilite enonces. La protection de la sante des travailleurs reste assuree par le controle effectif des repos compensateurs et de la duree maximale.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture