1ère – 4ème chambres réunies du Conseil d’État, le 7 mars 2025, n°491641

Le Conseil d’État, par une décision rendue le 7 mars 2025, précise l’étendue du pouvoir réglementaire reconnu au directeur d’un organisme national de sécurité sociale. La haute juridiction administrative examine la légalité d’une convention type destinée à régir les rapports entre les entreprises de taxi et l’assurance maladie. Plusieurs organisations professionnelles ont formé des recours pour excès de pouvoir contre la décision fixant les stipulations de cet acte contractuel national. Les requérants contestaient notamment les conditions de durée d’exploitation des autorisations de stationnement et les modalités de fixation des tarifs de responsabilité. Ils invoquaient également une incompétence de l’autorité administrative pour définir un régime de sanctions et une violation de la liberté d’entreprendre. Le Conseil d’État rejette l’ensemble des requêtes en estimant que les mesures litigieuses ne portent pas une atteinte disproportionnée aux libertés économiques.

**I. L’affirmation de la légalité des conditions d’accès au conventionnement**

**A. La validation des exigences tenant à l’exploitation effective de l’activité**

L’article 3 de la convention type subordonne le conventionnement au respect d’une « exploitation effective et continue » de l’autorisation de stationnement sur une période déterminée. Le juge considère que cette exigence « ne peut être regardée comme limitant l’accès à la profession de taxi » de manière excessive. Cette condition s’inscrit dans le cadre de l’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale permettant de réguler les dépenses publiques. La restriction apportée à la liberté d’entreprendre demeure ainsi justifiée par l’objectif de garantir le sérieux des entreprises de transport sanitaire. L’administration peut légitimement imposer des critères de durée d’exploitation pour s’assurer de la stabilité des professionnels avec lesquels elle contracte.

**B. La conformité de l’encadrement tarifaire aux principes de liberté économique**

L’autorité administrative peut prévoir que les tarifs de prise en charge font l’objet « de l’application de taux de remise annuels » par rapport aux tarifs préfectoraux. Les requérants soutenaient que cette minoration portait atteinte au droit au respect des biens en ne couvrant pas la totalité des coûts. Le juge écarte ce moyen puisque les entreprises conservent la faculté de ne pas adhérer à ce dispositif de prise en charge partielle. La nature facultative du conventionnement protège ainsi la validité des stipulations tarifaires malgré les contraintes économiques qu’elles imposent aux professionnels de santé. Cette solution consacre la primauté de l’objectif de maîtrise des dépenses sociales sur les intérêts financiers particuliers des transporteurs.

**II. La détermination du régime des sanctions et de la compétence juridictionnelle**

**A. L’habilitation de l’autorité administrative au prononcé de mesures disciplinaires**

Le Conseil d’État affirme que l’habilitation législative pour déterminer le contenu de la convention « emporte nécessairement habilitation à définir les sanctions inhérentes » à son exécution. L’autorité administrative peut donc légalement instituer des mesures d’avertissement ou de déconventionnement sans méconnaître les compétences du législateur national. Ces sanctions constituent le corollaire indispensable de la force obligatoire du contrat conclu entre les organismes locaux et les transporteurs privés. La décision sécurise ainsi les prérogatives des caisses d’assurance maladie dans leur mission de contrôle rigoureux des prestations remboursées. Le respect des droits de la défense demeure toutefois une condition impérative de la régularité des sanctions ainsi prononcées.

**B. La compétence des tribunaux judiciaires pour le contentieux de l’exécution conventionnelle**

Les sanctions conventionnelles ne relèvent pas « de l’exercice de prérogatives de puissance publique » mais de l’application de stipulations relevant du droit privé. Le Conseil d’État confirme que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des litiges nés de l’application de ces mesures punitives. Cette solution repose sur les articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale régissant le contentieux de la protection sociale. Le juge administratif limite ainsi son contrôle à la légalité de l’acte réglementaire initial sans empiéter sur le litige de l’exécution contractuelle. Cette répartition juridictionnelle souligne la nature hybride des relations entre l’administration de la santé et les prestataires de transport de malades.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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