1ère – 4ème chambres réunies du Conseil d’État, le 9 avril 2025, n°488079

Le Conseil d’État a rendu, le 9 avril 2025, une décision précisant les critères de détermination du minimum de ressources laissées aux personnes handicapées. Une résidente d’un établissement autorisé comme foyer d’hébergement contestait la réduction de son reste à vivre de 125 % à 70 % de l’allocation aux adultes handicapés. Le litige portait sur l’application des dispositions du code de l’action sociale et des familles suite à une modification des prestations incluses dans le prix. Plusieurs juridictions se sont déclarées incompétentes avant que le tribunal administratif de Toulouse ne fixe le montant à 90 % le 7 juillet 2023. Le département a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement en invoquant une erreur de droit quant à la qualification de l’entretien fourni. La question posée à la Haute Juridiction administrative résidait dans l’interprétation de la notion d’entretien complet pour la fixation du montant minimum des ressources. Le Conseil d’État censure le raisonnement du tribunal en jugeant que la seule prise en charge financière des prestations définit le caractère complet de l’entretien. L’étude de la qualification juridique de l’entretien précèdera celle de l’encadrement des pouvoirs du juge dans la fixation du montant des ressources laissées à disposition.

I. L’identification rigoureuse du caractère complet de l’entretien en établissement médico-social

A. Une définition de l’entretien fondée sur la prise en charge financière des prestations

L’arrêt précise qu’un établissement assure un entretien complet dès lors qu’il prend en charge les dépenses correspondant à la réalisation des prestations quotidiennes de vie. Le Conseil d’État énonce que « l’établissement assure un entretien complet lorsqu’il prend en charge les dépenses correspondant à la réalisation des prestations » telles que l’alimentation. Cette définition s’appuie exclusivement sur la dimension budgétaire de la prise en charge sans égard pour la participation concrète du résident aux tâches ménagères. L’autonomie du pensionnaire dans la préparation des repas ou le ménage n’a aucune incidence juridique si ces activités n’entraînent pas de frais supplémentaires personnels. La Haute Assemblée corrige ainsi l’erreur du juge du fond qui avait indûment subordonné la qualification d’entretien complet à une exécution matérielle par le personnel.

B. L’exclusion du statut de foyer-logement au profit de la qualification de foyer d’hébergement

La qualification de l’établissement commande directement le taux applicable pour le calcul de la contribution de la personne handicapée aux frais d’hébergement et d’entretien. La requérante revendiquait le bénéfice du taux de 125 % prévu pour les foyers-logements mais le juge administratif a maintenu la qualification de foyer d’hébergement. La décision souligne que l’établissement bénéficie d’une autorisation de fonctionnement en qualité de foyer d’hébergement délivrée par arrêté préfectoral depuis l’année 1980. Dès lors que l’organisme gestionnaire assume l’intégralité des coûts, les résidents ne peuvent légalement prétendre au régime plus favorable propre aux logements-foyers classiques. Cette solution assure une cohérence nécessaire entre le statut administratif de la structure et les droits financiers dont disposent les usagers accueillis.

II. L’encadrement strict du pouvoir de modulation du minimum de ressources garanties

A. L’incompétence du juge administratif pour modifier souverainement les taux fixés par décret

Le tribunal administratif de Toulouse avait porté le montant du reste à vivre à 90 % du montant mensuel de l’allocation de façon totalement discrétionnaire. Le Conseil d’État rappelle que l’office du juge de plein contentieux ne l’autorise pas à moduler de lui-même les taux fixés par le texte. Le juge ne saurait « moduler lui-même ce taux » en l’absence de mise en œuvre par le département de la faculté qui lui demeure ouverte. Cette position protège le principe de légalité en interdisant au magistrat de se substituer au pouvoir réglementaire pour créer des catégories de ressources non prévues. Le jugement de première instance est ainsi annulé pour avoir méconnu les limites de la compétence juridictionnelle en créant une règle de droit inédite.

B. La préservation de la compétence discrétionnaire du département pour l’octroi de mesures favorables

Le droit positif prévoit que le département conserve la faculté d’édicter des règles plus favorables pour les bénéficiaires de l’aide sociale départementale. Les dispositions législatives n’interdisent pas à la collectivité territoriale de laisser à la libre disposition des personnes handicapées des ressources supérieures au minimum réglementaire. Cette marge de manœuvre appartient exclusivement au président du conseil départemental dans le cadre de la définition souveraine de sa politique sociale locale. Faute pour l’autorité départementale d’avoir exercé cette compétence, les services doivent appliquer strictement les taux de 70 % définis par le code. Le Conseil d’État rétablit l’application du cadre normatif tout en préservant l’autonomie de décision financière de la collectivité publique en matière d’aide sociale.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture