Le Conseil d’État a rendu le 30 septembre 2025 une décision sur la légalité d’un arrêté ministériel fixant les pièces nécessaires au remboursement de spécialités pharmaceutiques. L’acte contesté détermine les documents composant le dossier de demande de prise en charge pour les traitements en association dépourvus d’autorisation spécifique de mise sur le marché. Un syndicat professionnel a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté du 3 juillet 2024 en invoquant plusieurs méconnaissances graves du droit européen. Durant l’instance, une norme modificative du 11 décembre 2024 a abrogé certains points litigieux relatifs aux recherches humaines et aux prévisions de marché du laboratoire. La haute juridiction doit déterminer si les obligations de transparence et les procédures de notification préalable imposées par les directives européennes s’appliquent à cet acte administratif. Le juge administratif rejette l’essentiel de la requête en considérant que l’arrêté n’établit pas de critères de fond mais organise simplement la procédure de demande. Il convient d’examiner la conformité de l’acte aux normes européennes avant d’analyser la pertinence des données économiques exigées et les conséquences de l’abrogation partielle.
I. L’affirmation de la conformité formelle et matérielle de l’arrêté ministériel aux normes européennes
L’analyse porte d’abord sur l’absence d’obligation de notification européenne puis sur la validité de la base juridique nationale au regard du droit de l’Union.
A. L’écartement des griefs tirés du défaut de notification et de transparence
Le requérant soutenait que l’arrêté aurait dû faire l’objet d’une communication préalable à la Commission européenne en vertu des exigences de transparence de 1988. Le Conseil d’État précise que l’acte « n’a ni pour objet ni pour effet de fixer les critères sur lesquels les autorités compétentes doivent se fonder ». Par conséquent, l’absence de transmission du texte n’affecte pas sa légalité puisque les dispositions de la directive du 21 décembre 1988 sont ici jugées inapplicables. Le juge écarte également le moyen relatif aux règles techniques car l’arrêté ne crée pas de spécifications entrant dans le champ d’application de la directive de 2015. L’absence de vice de forme étant établie, il convient désormais d’apprécier la validité matérielle de l’acte au regard des principes généraux du droit de l’Union.
B. La validation de la base réglementaire et de la compatibilité avec le droit de l’Union
L’organisation professionnelle invoquait l’illégalité par voie d’exception d’un décret antérieur mais elle n’a pas apporté les précisions nécessaires pour étayer sérieusement son moyen. Le Conseil d’État souligne que les dispositions litigieuses visent uniquement à sécuriser l’utilisation de spécialités dans une indication spécifique réalisée sur une prescription médicale. La décision rappelle qu’un État membre peut exclure certains médicaments du champ de l’autorisation de mise sur le marché pour répondre à des besoins spéciaux. Les juges estiment que l’arrêté respecte la directive du 6 novembre 2001 en permettant la prise en charge financière des soins dans l’attente d’une autorisation définitive. Cette conformité aux normes supérieures permet d’aborder l’examen de la proportionnalité des informations demandées par l’administration et le sort des dispositions abrogées durant l’instance.
II. La reconnaissance de la pertinence des informations exigées et le maintien partiel de l’acte
L’étude porte sur la justification économique des données requises par les ministres avant de constater les conséquences juridiques de l’abrogation de certains articles litigieux.
A. La justification économique des données de prix et de volumes de vente
Le syndicat requérant contestait l’obligation de fournir des informations sur les prix pratiqués et les volumes de vente constatés en France pour chaque indication médicale. Le juge administratif considère que ces éléments permettent de calculer le chiffre d’affaires total nécessaire à l’établissement du montant des remises obligatoires dues par l’entreprise. Le Conseil d’État juge que « le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation » doit être écarté car ces données chiffrées sont directement liées à l’objet financier. L’exigence de transparence économique apparaît ainsi proportionnée aux objectifs de régulation financière du système de sécurité sociale et de pérennité de l’assurance maladie. Au-delà de la validation des données économiques, le Conseil d’État doit tirer les conséquences de l’évolution de l’ordonnancement juridique survenue au cours de la procédure.
B. Le constat d’un non-lieu à statuer partiel suite à l’abrogation de certaines dispositions
Un arrêté modificatif intervenu le 11 décembre 2024 a supprimé les dispositions obligeant les laboratoires à déclarer leurs recherches ainsi que leurs calendriers prévisionnels de vente. Le juge constate que ces mesures n’ont reçu aucune exécution pendant leur brève période de vigueur, ce qui prive le recours d’une partie de son objet. La juridiction prononce donc un non-lieu à statuer sur ces points tout en rejetant le surplus des conclusions tendant à l’annulation de l’acte administratif attaqué. La décision finale confirme la validité du dispositif de prise en charge des associations médicamenteuses tout en préservant les larges prérogatives réglementaires des autorités ministérielles.