2ème – 7ème chambres réunies du Conseil d’État, le 12 juin 2025, n°497859

Par une décision du Conseil d’État rendue le 12 juin 2025, la haute juridiction s’est prononcée sur la légalité d’un décret relatif aux pôles territoriaux. Ce texte organisait la mise en œuvre de sites destinés à regrouper diverses administrations chargées de l’accueil et de l’enregistrement des demandes d’asile. Plusieurs associations ont sollicité l’annulation de cet acte réglementaire au motif qu’il ne prévoyait pas de garanties suffisantes concernant la confidentialité des procédures. Elles estimaient que l’absence de mesures techniques précises dans le décret portait atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs d’asile protégés par la Constitution. Le juge administratif devait déterminer si le pouvoir réglementaire est tenu d’édicter des normes d’application spécifiques pour garantir des principes déjà consacrés par la loi. La juridiction rejette les requêtes en considérant que les autorités locales doivent simplement assurer le respect des exigences législatives et conventionnelles de manière matérielle. Cette solution conduit à analyser la validation de l’organisation administrative des nouveaux pôles avant d’étudier l’absence d’obligation de préciser les garanties de confidentialité.

I. La validation de l’organisation administrative des pôles territoriaux de l’asile

A. Un regroupement de compétences fondé sur une habilitation législative

Le Conseil d’État souligne que « le législateur a permis la mise en place progressive de pôles territoriaux « France asile » regroupant, sur un même site, les autorités chargées de l’enregistrement ». Ce dispositif vise à améliorer l’efficacité administrative en centralisant les procédures d’accueil et d’introduction de la demande d’asile auprès de l’autorité compétente. Le juge vérifie ici la conformité du décret aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette centralisation ne constitue pas en soi une violation des droits des étrangers dès lors que la loi l’autorise expressément.

B. Le maintien de l’autonomie fonctionnelle des agents intervenants

La décision précise que ce regroupement s’opère « sans préjudice de l’indépendance de ses agents » garantissant ainsi l’impartialité de l’examen au sein des pôles. Le juge administratif rappelle que l’indépendance de l’office de protection demeure un principe cardinal qui s’impose directement aux agents déconcentrés. Les missions exercées au sein des pôles territoriaux doivent respecter les cadres juridiques propres à chaque administration sans créer de confusion hiérarchique illégale. Ce cadre organisationnel étant validé, il convient d’examiner les griefs relatifs à l’insuffisance des garanties réglementaires prévues par le texte attaqué.

II. L’absence d’obligation de définir des garanties réglementaires redondantes

A. Le caractère suffisant des principes législatifs et constitutionnels

Les requérants soutenaient que le décret méconnaissait les principes de confidentialité en ne précisant pas les modalités techniques de leur mise en œuvre effective. Le Conseil d’État répond qu’ « aucune disposition ni aucun principe n’imposait au Premier ministre de rappeler ces principes et exigences ni de définir des normes d’application ». La juridiction considère que les règles législatives et constitutionnelles relatives à l’asile s’appliquent de plein droit sans intervention réglementaire complémentaire obligatoire. Cette approche pragmatique délègue aux autorités administratives la responsabilité de prendre les « mesures, le cas échéant purement matérielles » nécessaires à la confidentialité des demandes.

B. Une application stricte de la théorie de l’incompétence négative

Le moyen tiré de l’incompétence négative est écarté car le pouvoir réglementaire n’a pas méconnu l’étendue de ses pouvoirs en restant silencieux. Le juge estime que le respect de la convention de Genève et du droit de l’Union européenne est assuré par le cadre légal existant. L’absence de précisions techniques dans le décret ne constitue donc pas une erreur de droit ni une erreur manifeste d’appréciation des faits. La solution confirme la primauté de l’application directe des principes fondamentaux par l’administration lors de l’exécution matérielle de ses missions de service public.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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