2ème – 7ème chambres réunies du Conseil d’État, le 12 juin 2025, n°497930

Le Conseil d’Etat, dans sa décision n° 497930 du 12 juin 2025, rejette un recours en annulation dirigé contre le décret du 2 juillet 2024. Plusieurs groupements ont formé un recours pour excès de pouvoir contre les dispositions relatives aux audiences délocalisées et à la suppression de certaines voies d’appel. Les requérants soutiennent que ces mesures portent atteinte aux droits de la défense ainsi qu’au principe d’indépendance des juridictions administratives et judiciaires. Le juge doit déterminer si l’aménagement matériel des audiences et la limitation des voies de recours méconnaissent les exigences constitutionnelles et conventionnelles du procès équitable. La haute juridiction écarte l’ensemble des moyens et confirme la validité des dispositions réglementaires prises pour l’application de la loi du 26 janvier 2024.

I. L’aménagement des garanties procédurales liées à la délocalisation des audiences

A. L’encadrement technique et juridique du recours à la communication audiovisuelle

La délocalisation des audiences vers des salles situées à proximité des lieux de rétention s’accompagne de garanties précises pour assurer la sérénité des débats. Le Conseil d’Etat rappelle que le juge peut suspendre l’audience si la retransmission ne permet pas au conseil de présenter ses explications de manière satisfaisante. Il précise que « le moyen de communication audiovisuelle utilisé doit garantir la confidentialité et la qualité de la transmission » conformément aux prescriptions législatives en vigueur. Cette solution concilie l’objectif de bonne administration de la justice avec le respect nécessaire du caractère contradictoire de la procédure devant le juge unique.

B. La préservation de l’indépendance juridictionnelle malgré l’assistance d’agents administratifs

Le décret contesté prévoit que des agents administratifs peuvent accomplir certaines missions de greffe sous l’autorité directe du magistrat siégeant au tribunal. Cette collaboration technique ne constitue pas une immixtion de l’administration car les attributions demeurent strictement encadrées par le personnel du greffe. Le juge souligne que « de telles missions […] ne confèrent pas à l’agent concerné d’attributions juridictionnelles » et s’exercent sous une surveillance constante. L’indépendance de la juridiction est ainsi sauvegardée puisque l’autorité fonctionnelle appartient exclusivement au président du tribunal ou au magistrat désigné.

II. La consécration de la célérité contentieuse par la limitation des voies de recours

A. La négation d’un principe général imposant le double degré de juridiction

Les requérants contestent la suppression de l’appel pour les décisions de transfert des demandeurs d’une protection internationale vers l’Etat responsable de leur demande. La juridiction administrative rejette cette argumentation en affirmant que la possibilité de faire appel ne constitue pas une garantie fondamentale en matière administrative. Elle énonce qu’« aucun principe ne consacrent l’existence d’une règle du double degré de juridiction » interdisant de statuer en premier et dernier ressort. Cette interprétation restrictive s’aligne sur la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024.

B. La justification de la suppression de l’appel par l’efficacité du traitement des transferts

Le pouvoir réglementaire dispose d’une marge de manœuvre pour adapter les voies de recours aux spécificités de chaque contentieux selon des critères d’intérêt général. Le Conseil d’Etat considère que les impératifs de rapidité propres au droit d’asile justifient pleinement le passage à un degré unique de juridiction. Le magistrat retient que l’autorité réglementaire n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation « eu égard aux exigences de rapidité et d’effectivité de la contestation ». L’arrêt consacre ainsi une primauté de l’efficacité administrative sur la multiplication des procédures judiciaires dans un contexte de gestion complexe des flux migratoires.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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