2ème – 7ème chambres réunies du Conseil d’État, le 21 février 2025, n°498492

Par un avis rendu le 21 février 2025, le Conseil d’État précise les conditions de légalité des mesures d’assignation à résidence des étrangers.

Un ressortissant étranger a contesté devant le juge administratif un arrêté l’assignant à résidence pour une durée déterminée par l’autorité préfectorale compétente.

Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a sursis à statuer le 17 octobre 2024 pour solliciter l’avis éclairé de la Haute juridiction administrative.

Le litige porte sur la faculté pour l’administration d’agir d’office et sur l’obligation éventuelle de respecter une procédure contradictoire préalable au sens commun.

La question posée consiste à déterminer si le droit spécial de l’éloignement permet une telle initiative sans l’audition préalable du ressortissant étranger intéressé.

Le Conseil d’État répond par l’affirmative en soulignant la nature spécifique du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’étude de cette décision impose d’analyser l’étendue du pouvoir d’initiative administrative avant d’examiner l’exclusion des règles de procédure administrative de droit commun.

I. L’affirmation d’un pouvoir d’initiative de l’autorité administrative

A. La consécration d’une action administrative d’office

L’article L. 731-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers permet de maintenir provisoirement certains ressortissants étrangers sur le territoire national.

Le Conseil d’État considère que l’autorité peut agir « à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative » pour assurer cette mesure de surveillance.

Cette interprétation extensive favorise ainsi l’exécution des décisions d’éloignement lorsque le départ immédiat vers le pays d’origine s’avère matériellement ou juridiquement impossible.

La Haute juridiction valide une pratique consistant à surveiller l’étranger en attente d’une perspective raisonnable d’exécution de son obligation de quitter le territoire.

Cette faculté de l’administration ne constitue pas une simple réponse à une sollicitation mais s’inscrit dans une mission de police des étrangers cohérente.

B. Une faculté subordonnée à l’exigence de la situation

L’initiative de l’autorité administrative n’est pas absolue puisqu’elle intervient uniquement si l’administration « estime, en l’absence de demande, que la situation l’exige ».

Cette précision textuelle limite le risque d’arbitraire en imposant un examen individuel de la situation personnelle et matérielle du ressortissant étranger concerné.

Le juge administratif pourra contrôler si les circonstances justifiaient réellement une telle mesure de surveillance en l’absence de toute démarche du demandeur.

La reconnaissance de ce pouvoir d’office prépare le terrain pour une simplification des formalités procédurales entourant l’adoption de cet acte administratif individuel.

Cette solution pragmatique assure une représentation effective de l’étranger tout en organisant les conditions de son maintien temporaire régulier en France.

II. L’éviction des garanties procédurales de droit commun

A. La primauté du régime spécial d’éloignement des étrangers

Le Conseil d’État écarte l’application de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration pour ces mesures d’assignation.

Les magistrats estiment que le législateur a entendu déterminer « l’ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse » applicables à l’intervention d’éloignement.

Le principe de spécialité conduit à considérer que les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers priment sur le droit commun.

L’absence de procédure contradictoire préalable ne vicie pas la décision dès lors que l’assignation constitue une mesure prise pour l’exécution d’un éloignement.

Cette exclusion se justifie par la volonté de ne pas alourdir inutilement une phase d’exécution déjà strictement encadrée par des textes législatifs spécifiques.

B. L’unité organique du contentieux de l’exécution forcée

L’assignation à résidence se définit comme une « mesure prise en vue de l’exécution » d’une obligation de quitter le territoire français déjà devenue exécutoire.

Cette qualification juridique lie intimement la mesure de surveillance à la décision d’éloignement initiale dont elle n’est qu’une modalité technique de réalisation.

Le respect du caractère contradictoire est présumé avoir eu lieu lors de l’édiction de la mesure d’éloignement principale ou via les recours contentieux.

L’avis renforce ainsi l’efficacité de l’action publique en évitant une multiplication des formalités contradictoires pour chaque acte de mise en œuvre matérielle.

Cette solution garantit une certaine célérité dans la gestion des flux migratoires tout en maintenant un contrôle juridictionnel a posteriori tout à fait suffisant.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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