2ème chambre du Conseil d’État, le 13 mars 2025, n°491832

Le Conseil d’État, dans une décision rendue le 13 mars 2025, précise les modalités d’appréciation de la condition de logement lors d’une demande de regroupement familial.

Un ressortissant étranger a sollicité le bénéfice du regroupement familial pour son épouse et ses trois enfants, demande rejetée par le préfet le 17 novembre 2023.

Saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête.

L’intéressé a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance devant la haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation de la décision de première instance.

Le litige porte sur le moment précis auquel l’administration doit vérifier si le demandeur dispose d’un logement considéré comme normal pour accueillir sa famille en France.

Le Conseil d’État annule l’ordonnance attaquée car le juge doit rechercher si le requérant disposait d’un tel logement « à la date d’arrivée de sa famille ».

Statuant au fond en référé, il rejette cependant la demande de suspension faute pour l’étranger d’établir l’existence d’une situation d’urgence suffisamment grave et caractérisée.

L’analyse portera sur l’appréciation prospective des conditions de logement avant d’aborder la rigueur du contrôle de la condition d’urgence en matière de référé administratif.

**I. L’appréciation prospective des conditions de logement du regroupement familial**

*A. La censure de l’erreur de droit relative au calendrier de l’examen*

Le juge des référés s’est borné à vérifier la superficie habitable à la date de la visite de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Le Conseil d’État estime que cette approche restreinte constitue une erreur de droit manifeste au regard des dispositions législatives et réglementaires du code de l’entrée.

L’article L. 434-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers prévoit que le demandeur doit disposer d’un logement normal à une date précise.

Ce texte impose de vérifier la conformité du logement « à la date d’arrivée de sa famille en France » pour autoriser valablement le bénéfice du regroupement familial.

En omettant de rechercher si cette condition serait remplie ultérieurement, le premier juge a méconnu la portée réelle des textes applicables à cette procédure administrative.

*B. Une protection renforcée du droit au respect de la vie familiale*

L’interprétation retenue par la haute assemblée administrative favorise l’exercice effectif du droit à mener une vie familiale normale pour tout ressortissant étranger résidant régulièrement.

La décision souligne qu’un logement temporairement inadapté lors du contrôle technique ne saurait justifier légalement un refus définitif si un changement futur est démontré.

Le juge doit prendre en compte les éléments justificatifs produits par le requérant concernant ses capacités réelles de logement au moment des retrouvailles familiales effectives.

Cette exigence de réalisme administratif limite le pouvoir discrétionnaire de l’autorité préfectorale en imposant un examen exhaustif des éléments de fait soumis par le demandeur.

**II. La rigueur du contrôle de la condition d’urgence en référé-suspension**

*A. L’insuffisance manifeste des éléments de preuve de l’urgence*

Après avoir annulé l’ordonnance initiale, le Conseil d’État statue immédiatement sur la demande de suspension en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code.

Le requérant soutenait que le refus préfectoral maintenait sa famille séparée, sans toutefois apporter de précisions sur la situation actuelle de son épouse et ses enfants.

La jurisprudence administrative exige pourtant que l’urgence soit démontrée par des faits précis révélant une « atteinte suffisamment grave et immédiate » à la situation de l’intéressé.

Le seul éloignement géographique des membres de la famille ne suffit pas à caractériser l’urgence indispensable pour suspendre l’exécution d’une décision de refus de regroupement.

*B. Le maintien de la séparation familiale face aux exigences procédurales*

Le Conseil d’État relève que l’intéressé résidait en France depuis de nombreuses années avant de solliciter le regroupement familial pour les membres de sa famille proche.

L’absence d’éléments nouveaux sur la vulnérabilité de la famille demeurée à l’étranger interdit au juge de constater l’urgence impérieuse de la situation dans l’immédiat.

La solution démontre que la reconnaissance d’un doute sérieux sur la légalité ne dispense jamais le requérant de prouver la nécessité absolue d’une mesure de suspension.

Cette décision confirme la séparation fondamentale entre la validité juridique de l’acte administratif et l’impératif de célérité nécessaire pour obtenir une protection juridictionnelle provisoire.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture