2ème chambre du Conseil d’État, le 23 décembre 2024, n°492255

Le Conseil d’État a rendu, le 23 décembre 2024, une décision précisant les conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des refus tarifaires. Une association a contesté les modalités de prix appliquées aux usagers du transport ferroviaire régional, invoquant l’existence de pratiques discriminatoires. Elle visait particulièrement les règles de régularisation à bord des trains et les tarifs dans les gares dépourvues de personnel. Le tribunal administratif de Montreuil a transmis ces requêtes à la haute juridiction par une ordonnance du 29 février 2024. L’association requérante sollicitait l’annulation des refus opposés par les sociétés chargées de l’exploitation ferroviaire à ses demandes de modification tarifaire. Le litige soulève la question de la nature décisoire d’une réponse administrative apportée à une interpellation générale portant sur des tarifs publics. Le Conseil d’État rejette les requêtes en raison de l’imprécision de la demande initiale et de l’incompétence des sociétés exploitantes en la matière. L’étude de cet arrêt impose d’analyser l’absence d’acte faisant grief, puis la répartition des compétences entre exploitants et autorités organisatrices.

I. L’absence d’acte administratif susceptible de recours

A. L’insuffisance matérielle de la demande de l’association

Le juge administratif fonde l’irrecevabilité du recours sur la forme et la teneur de la sollicitation adressée par l’association aux organismes ferroviaires. Il relève que la lettre d’interpellation, « par son imprécision et son contenu, ne présente pas le caractère d’une demande susceptible de faire naître une décision faisant grief ». Cette appréciation souligne l’exigence de clarté dans les revendications pour que le silence ou le refus de l’administration puisse être contesté devant le juge. L’association se bornait à dénoncer des principes généraux sans formuler de griefs articulés contre des actes réglementaires identifiables ou des situations individuelles concrètes. Une telle démarche ne saurait contraindre l’autorité saisie à prendre une mesure dont le refus ouvrirait la voie du recours pour excès de pouvoir. Le Conseil d’État protège ainsi les organismes publics contre les recours dirigés vers des prises de position trop vagues pour constituer de véritables décisions.

B. Le défaut de portée juridique de la réponse administrative

La réponse fournie par la société nationale ne saurait être qualifiée d’acte décisoire en raison de sa nature purement informative et explicative. Le Conseil d’État précise que ce courrier, exposant les mesures déjà en œuvre sur le réseau, « ne révèle par elle-même aucune décision ». Il écarte également la qualification d’acte de droit souple susceptible d’avoir des effets notables sur la situation des usagers du service public. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence classique refusant de reconnaître un caractère grief aux simples lettres d’information ou de rappel du droit. L’acte contesté ne modifie pas l’ordonnancement juridique et ne crée aucun droit ou obligation nouvelle pour les passagers des services régionaux de transport. L’absence d’effet juridique direct rend donc la requête irrecevable, indépendamment du bien-fondé des critiques formulées par l’association sur la tarification pratiquée.

II. La détermination de l’autorité compétente pour la fixation des tarifs

A. L’attribution légale du pouvoir tarifaire aux régions

La décision rappelle les dispositions du code des transports qui confient à la région la responsabilité de l’organisation des services ferroviaires de voyageurs. L’article L. 2121-3 dispose explicitement que « la région définit la politique tarifaire des services d’intérêt régional en vue d’obtenir la meilleure utilisation » du système. Ce cadre législatif place les autorités organisatrices au cœur du dispositif de fixation des prix, excluant une compétence propre des sociétés de transport. La région détermine ainsi le contenu du service public, incluant les dessertes et la qualité, dans le respect de la cohérence du système ferroviaire. Le juge confirme que les modalités de mise en œuvre de cette politique sont fixées par des conventions passées entre les régions et l’exploitant. Cette répartition des rôles interdit aux usagers de solliciter directement de la société nationale une modification des structures tarifaires décidées par l’autorité publique.

B. L’orientation procédurale des usagers vers les autorités organisatrices

Le Conseil d’État indique clairement la voie de droit que l’association aurait dû emprunter pour contester efficacement les barèmes de régularisation des trains régionaux. Il précise qu’il appartient à l’usager de « s’adresser à ces autorités » organisatrices s’il entend critiquer la politique tarifaire décidée dans le ressort territorial régional. Les sociétés exploitantes ne disposent pas du pouvoir de modifier unilatéralement les tarifs fixés par les conventions régionales de transport de voyageurs. Une demande de suppression de discriminations tarifaires doit impérativement viser l’autorité qui détient légalement le pouvoir de réglementer les prix du service public. La haute juridiction rappelle ainsi l’importance de l’identification de l’auteur de l’acte pour la validité de la procédure de contestation pour excès de pouvoir. Le rejet des conclusions aux fins d’annulation entraîne logiquement celui des demandes d’injonction, fermant ainsi définitivement le litige engagé contre les sociétés exploitantes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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