2ème chambre du Conseil d’État, le 23 juillet 2025, n°493422

Le Conseil d’État a rendu, le 23 juillet 2025, une décision précisant les modalités de contrôle de la portée des écritures devant le juge de l’asile.

Un ressortissant étranger a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de l’administration, laquelle a opposé un refus par une décision du 26 août 2022.

Bien que l’intéressé ait obtenu l’aide juridictionnelle, la défaillance de son premier conseil a rendu nécessaire la désignation d’un nouvel avocat pour le représenter.

Durant ce délai, le requérant a formé une demande de réexamen de sa situation, déclarée irrecevable par l’autorité administrative le 31 janvier 2023.

Par une ordonnance du 3 octobre 2023, la présidente désignée de la Cour nationale du droit d’asile a rejeté le recours dirigé contre ces décisions.

Le Conseil d’État est saisi d’un pourvoi tendant à l’annulation de cette ordonnance pour une dénaturation de l’objet de la demande présentée par le requérant.

La question juridique posée porte sur l’obligation pour le juge administratif de respecter l’intention du requérant telle qu’elle ressort expressément de ses écritures.

La haute juridiction annule la décision attaquée au motif que le juge du fond a méconnu la portée des conclusions dont il était régulièrement saisi.

Le commentaire analysera d’abord la dénaturation de la portée des écritures (I), avant d’étudier l’erreur de droit liée au défaut d’examen au fond (II).

I. La dénaturation manifeste de l’objet du litige

A. L’interprétation erronée des conclusions du requérant

La présidente de la juridiction spécialisée a considéré que le recours tendait exclusivement à l’annulation de la décision d’irrecevabilité de la demande de réexamen.

En conséquence, la requête fut rejetée au motif de « l’absence de présentation de faits ou éléments nouveaux » susceptibles de justifier l’octroi d’une protection.

Cette interprétation du juge ignore pourtant les termes clairs du mémoire produit par le conseil du requérant lors de l’introduction de l’instance juridictionnelle.

B. Le contrôle de la portée des écritures par le juge de cassation

Le Conseil d’État relève que le recours introduit par le nouvel avocat « entendait contester la décision initiale de rejet de la demande d’asile ».

La décision censure ainsi l’ordonnance attaquée en jugeant que la Cour a « méconnu la portée des écritures » qui lui étaient soumises par le demandeur.

Ce contrôle rigoureux exercé par le juge de cassation protège l’intégrité de l’objet du litige contre toute modification arbitraire opérée par les juges.

II. L’exigence impérieuse d’un examen au fond des craintes

A. L’erreur de droit consécutive au défaut de statuer

En reclassant par erreur l’objet de la contestation, la juridiction ne s’est pas prononcée « sur le bien-fondé des craintes alléguées par celui-ci » initialement.

Cette omission de statuer sur le fond de la demande de protection internationale constitue une erreur de droit justifiant l’annulation totale de l’ordonnance.

L’exigence de motivation et de réponse aux conclusions des parties s’impose avec une force particulière dans le contentieux sensible du droit des étrangers.

B. La préservation du droit effectif au recours devant le juge de l’asile

La décision prononce le renvoi de l’affaire devant la Cour nationale du droit d’asile afin qu’un débat contradictoire s’engage sur les craintes de persécutions.

Cette solution garantit l’effectivité du double degré de juridiction en imposant un examen réel des motifs ayant fondé la demande de protection du requérant.

L’arrêt souligne ainsi que le formalisme procédural ou les incidents de désignation d’avocat ne sauraient priver un justiciable de son droit à être entendu.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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