Par une décision rendue le 26 juin 2025, le Conseil d’État précise les conditions d’application de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française. Un ressortissant étranger, naturalisé par décret en novembre 2023, a sollicité l’adjonction du nom de sa fille mineure sur son acte de naturalisation. L’autorité administrative a refusé cette modification le 14 juin 2024, au motif que l’enfant ne résidait pas habituellement chez son père lors du décret. Saisi initialement, le président du tribunal administratif de Melun a transmis la requête au Conseil d’État par une ordonnance n° 2407846 du 15 juillet 2024. Le requérant soutient que sa fille doit bénéficier de la nationalité de plein droit en vertu des dispositions du code civil. La question posée est de savoir si la résidence effective chez la mère fait obstacle à l’effet collectif de la naturalisation du père. La haute juridiction rejette le recours en constatant l’absence de résidence commune ou alternée à la date de signature du décret. L’analyse de cette solution repose sur l’interprétation rigoureuse de la condition de résidence (I) et sur l’encadrement des moyens invocables contre le refus (II).
I. L’interprétation rigoureuse de la condition de résidence pour l’effet collectif
A. Les critères cumulatifs de l’article 22-1 du code civil
L’article 22-1 du code civil dispose que l’enfant mineur devient français si son nom est mentionné dans le décret d’acquisition de son parent. Cette transmission automatique suppose toutefois que l’enfant ait la même résidence habituelle que le parent acquéreur au moment de la signature de l’acte. Le Conseil d’État rappelle ici que cette condition de cohabitation est impérative pour permettre à l’enfant de bénéficier de la nationalité de plein droit. Le juge précise qu’il incombe au parent de porter l’existence de sa progéniture à la connaissance de l’administration avant la décision finale. Cette exigence de transparence permet d’assurer la régularité du processus de naturalisation et de vérifier le lien effectif entre le parent et l’enfant.
B. L’appréciation temporelle de la stabilité résidentielle
L’examen de la légalité du refus administratif se concentre exclusivement sur la situation familiale existant à la date précise du décret de naturalisation. Le juge relève qu’à cette date, « la résidence habituelle de l’enfant se trouvait chez sa mère » et non chez le parent naturalisé. Cette appréciation factuelle interdit toute extension de l’effet collectif, car la stabilité et la durée de la résidence commune font alors totalement défaut. La décision confirme que l’administration n’est pas tenue de modifier un acte régulier si les conditions légales n’étaient pas remplies initialement. La matérialité de la résidence au jour de l’acquisition de la nationalité constitue donc le pivot central du contrôle exercé par le juge.
II. L’encadrement strict des moyens invocables contre le refus de modification
A. L’exigence d’une preuve matérielle de la résidence alternée
Le requérant tentait de justifier une présence ponctuelle, mais le juge administratif exige la preuve d’une résidence alternée officiellement établie ou réellement pratiquée. Il ressort des pièces du dossier « qu’aucune garde alternée n’avait été mise en place » au moment où le décret de naturalisation fut signé. Le Conseil d’État refuse ainsi de reconnaître une résidence alternée au sens du code civil sans éléments probants de sa réalité juridique. La simple volonté du parent ou une situation géographique favorable ne suffisent pas à caractériser la résidence commune exigée par les textes. Le juge s’attache ainsi à une lecture littérale et matérielle des faits pour rejeter les prétentions fondées sur une situation non démontrée.
B. L’inopérance du moyen tiré de l’intérêt supérieur de l’enfant
Le requérant invoquait également les stipulations de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant pour contester le refus de modification du décret. La haute juridiction écarte ce moyen en jugeant que la décision attaquée est « dépourvue d’effet sur la présence sur le territoire français » de l’intéressée. Le refus de mentionner l’enfant sur le décret n’affecte pas directement ses liens familiaux ni son droit de séjourner auprès de ses parents. Par conséquent, l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut être utilement invoqué contre un acte qui se borne à constater l’absence d’effet collectif. Cette solution marque une séparation nette entre le statut juridique de nationalité et les droits fondamentaux liés à la vie privée et familiale.