3ème – 8ème chambres réunies du Conseil d’État, le 21 mai 2025, n°491206

Le Conseil d’État, par une décision du 21 mai 2025, précise les conditions de validité de la notification d’une proposition de rectification en cas de domicile fictif.

Un contribuable exerçant une activité d’agent commercial a perçu une indemnité de clientèle qu’il a placée sous un régime d’exonération fiscale au titre de l’année 2012. L’administration a remis en cause ce bénéfice et a tenté de notifier une proposition de rectification à l’adresse parisienne indiquée sur les déclarations de revenus. Les plis ont été retournés avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse », incitant le service à identifier une nouvelle résidence située dans la ville de Bourges. Le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des impositions par un jugement du 5 novembre 2021, solution ultérieurement confirmée en appel par la juridiction administrative. La cour administrative d’appel de Marseille, le 23 novembre 2023, a considéré que l’impossibilité de distribuer le courrier ne suffisait pas à établir une manœuvre du contribuable. Le juge de cassation doit déterminer si l’absence matérielle de l’intéressé à son adresse déclarée autorise l’administration à procéder valablement à une notification de substitution. Le Conseil d’État annule l’arrêt en jugeant qu’une adresse où le destinataire ne réside plus peut être regardée comme matériellement inexistante par les services fiscaux. L’étude de cette décision impose d’examiner la caractérisation du caractère fictif de l’adresse déclarée avant d’analyser le régime juridique de la notification de substitution.

**I. La caractérisation du caractère fictif de l’adresse déclarée**

**A. Le refus d’assimiler l’échec de la distribution postale à une manœuvre**

La cour administrative d’appel avait estimé que le retour des courriers avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse » ne révélait pas une adresse fictive. Elle exigeait la preuve d’une intention délibérée d’« égarer celle-ci dans la conduite de la procédure de contrôle et de rectification de l’impôt ». Selon les juges du fond, la simple mention postale ne suffisait pas à établir une volonté d’entraver les procédures de contrôle engagées par l’administration fiscale. Cette interprétation stricte des dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales visait à protéger le contribuable contre toute notification effectuée hors de son domicile déclaré. L’administration ne pouvait donc pas s’écarter de l’adresse fournie par l’usager sans démontrer l’existence d’un comportement frauduleux ou d’une volonté manifeste de dissimulation.

**B. La reconnaissance d’une adresse matériellement inexistante**

Le Conseil d’État censure ce raisonnement en soulignant que l’impossibilité matérielle de résider à l’adresse indiquée suffit à caractériser le caractère fictif ou inexistant du domicile. Il appartient au juge du fond de constater que le contribuable n’habitait plus les lieux au moment de l’envoi de la première proposition de rectification fiscale. La mention « destinataire inconnu à l’adresse » apposée par deux fois sur les plis retournés constitue un indice probant de l’inexistence matérielle de la résidence parisienne. Le juge de cassation considère ainsi que le caractère fictif d’une adresse est établi dès lors que les services justifient qu’elle est physiquement inaccessible au destinataire. La reconnaissance de l’inexistence de la domiciliation initiale autorise alors les services fiscaux à rechercher une voie alternative pour assurer la régularité de la procédure contradictoire.

**II. Le régime juridique de la notification de substitution**

**A. La faculté pour l’administration de rechercher la résidence effective**

Dès lors que l’adresse déclarée présente un caractère fictif, le service peut « retenir une autre adresse » sous réserve d’établir qu’elle correspond au lieu de résidence effective. L’administration a utilisé les informations issues du fichier informatisé des comptes bancaires pour identifier la nouvelle localisation du contribuable défaillant dans ses obligations déclaratives. Cette recherche proactive permet de pallier l’absence de mise à jour des coordonnées postales par l’usager tout en garantissant la poursuite de l’action de recouvrement. La Haute Juridiction valide ainsi le recours à des sources d’information extrinsèques pour déterminer le lieu où le pli doit être envoyé par les services compétents. L’administration fiscale dispose d’une marge de manœuvre nécessaire pour notifier ses actes lorsque le domicile officiel ne permet plus d’atteindre le contribuable de manière certaine.

**B. La charge de la preuve pesant sur les services fiscaux**

La validité de la procédure de substitution demeure toutefois subordonnée à la démonstration que le destinataire résidait bien à la nouvelle adresse à la date d’envoi. Il incombe à l’administration de justifier que le domicile situé à Bourges constituait la résidence effective de l’intéressé lors de la notification de la proposition. Le Conseil d’État impose un contrôle rigoureux de cette condition pour éviter que la notification ne soit effectuée à une adresse dépourvue de tout lien avec le contribuable. Cette solution assure un équilibre entre l’efficacité du contrôle fiscal et la protection des droits du contribuable à être informé des rectifications envisagées. Le juge renvoie l’affaire devant la cour administrative d’appel afin qu’elle vérifie si les éléments du dossier établissent la réalité de cette nouvelle domiciliation. Cette exigence de preuve garantit le respect des droits de la défense tout en empêchant la paralysie de l’administration par l’usage de domiciliations devenues obsolètes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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