Par une décision du 26 septembre 2025, le Conseil d’État se prononce sur la légalité d’une mise à la retraite pour invalidité d’un adjoint technique territorial. Un arrêté a prononcé cette mesure après la réunion d’une commission de réforme départementale chargée d’apprécier l’impossibilité définitive de l’agent à continuer ses fonctions. Le tribunal administratif de Toulon a annulé cet acte le 4 juillet 2022 en enjoignant à l’administration de réintégrer l’intéressé et de reconstituer sa carrière. La cour administrative d’appel de Marseille a ensuite confirmé ce jugement par un arrêt rendu en date du 13 juillet 2023. La haute juridiction administrative doit déterminer si le non-respect du délai de dix jours pour consulter le dossier constitue une irrégularité privant l’agent d’une garantie. Le Conseil d’État rejette le pourvoi en jugeant que l’absence de notification préalable du droit de consultation vicie la procédure suivie devant la commission.
I. La reconnaissance d’un délai de consultation protecteur des droits de l’agent
A. Un formalisme impératif imposé par l’arrêté du 4 août 2004
La procédure de mise à la retraite d’office pour invalidité est strictement encadrée par les dispositions du décret du 26 décembre 2003. L’article 31 de ce texte prévoit la consultation obligatoire d’une commission de réforme pour apprécier l’incapacité permanente à l’exercice des fonctions de l’agent. Les modalités de fonctionnement de cette instance sont précisées par l’arrêté du 4 août 2004 qui impose des obligations de convocation et d’information. Selon l’article 16 de cet arrêté, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance de son dossier dix jours au moins avant la réunion prévue. Ce formalisme garantit que l’agent dispose des éléments médicaux et administratifs nécessaires pour préparer ses observations écrites ou fournir des certificats complémentaires.
B. L’instauration d’une garantie nécessaire au respect du principe contradictoire
La décision commentée affirme que « le délai de dix jours mentionné par les dispositions de l’article 16 constitue, pour l’agent concerné, une garantie ». Cette précision permet de rattacher ce délai procédural au principe constitutionnel et général du respect des droits de la défense. L’objectif est d’assurer « le caractère contradictoire de la procédure » en permettant une intervention utile de l’intéressé devant la commission de réforme départementale. L’agent peut ainsi se faire assister d’un médecin de son choix ou d’un conseiller pour contester les conclusions relatives à son état physique. Toute méconnaissance de ce délai minimal a pour effet direct de « vicier la consultation de cette commission » car elle entrave la préparation de la défense.
II. Une application rigoureuse de la jurisprudence Danthony au vice de procédure
A. Le constat souverain d’une notification défaillante de l’information requise
Le juge de cassation rappelle qu’un vice de procédure n’entraîne l’illégalité d’une décision que s’il a une influence sur son sens ou prive d’une garantie. En l’espèce, la cour administrative d’appel a estimé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’administration avait effectivement notifié le courrier d’information. Le Conseil d’État juge que cette appréciation souveraine des faits n’est entachée d’aucune dénaturation quant à l’absence de preuve de l’avis de réception. L’administration ne démontre pas non plus que l’agent aurait été avisé selon une autre modalité au moins dix jours avant la séance de la commission. Cette défaillance probatoire empêche de considérer que la procédure préalable s’est déroulée conformément aux exigences réglementaires de transparence et de loyauté.
B. L’illégalité de l’acte administratif découlant de la privation d’une garantie
Le Conseil d’État valide le raisonnement des juges du fond qui ont retenu la privation effective d’une garantie pour l’agent mis à la retraite. L’irrégularité entache d’illégalité l’arrêté du 18 janvier 2021 car le manquement au délai de consultation a directement affecté les droits individuels du fonctionnaire. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence administrative exigeant une protection substantielle de l’agent lors des procédures pouvant conduire à une éviction définitive. L’absence de respect des formes protectrices ne peut être régularisée par la seule existence d’une inaptitude physique réelle constatée par les services médicaux. Le rejet du pourvoi confirme ainsi que la protection fonctionnelle prime sur l’efficacité administrative lorsque le caractère contradictoire de l’instruction est gravement méconnu.