3ème chambre du Conseil d’État, le 12 mars 2025, n°491649

Par une décision rendue le 12 mars 2025, le Conseil d’État examine la légalité du licenciement d’un agent public consécutif au retrait de son agrément. Cette affaire soulève la question de la conciliation entre la situation précaire de l’agent privé de revenus et l’impératif de protection de l’enfance. Un assistant familial bénéficiait d’un agrément renouvelé lorsqu’il fit l’objet d’un retrait de ce titre par le président d’un conseil départemental en septembre 2023. Son employeur, un autre département, prononça alors son licenciement par un arrêté du 10 novembre 2023 conformément aux dispositions du code de l’action sociale. L’intéressé a saisi le juge des référés d’une demande de suspension de ce licenciement en invoquant l’urgence et un doute sérieux sur la légalité. Par une ordonnance du 30 janvier 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande de suspension. Le département employeur a formé un pourvoi en cassation devant la haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cette mesure de suspension en référé. Le juge de cassation doit déterminer si la privation de rémunération suffit à caractériser l’urgence malgré les allégations de manquements graves envers les mineurs. Le Conseil d’État rejette le pourvoi en confirmant que l’absence de précisions sur les faits reprochés permet de douter sérieusement de la légalité du licenciement.

I. L’étroit contrôle de la condition d’urgence en matière de licenciement

A. La présomption d’urgence liée à la privation de revenus

L’ordonnance attaquée relève que le licenciement prive l’agent de sa rémunération alors que les ressources du ménage ne permettent pas de couvrir les charges courantes. Le Conseil d’État valide ce raisonnement en rappelant qu’une mesure privant un agent public de son salaire porte « une atteinte grave et immédiate à sa situation ». Cette appréciation souveraine des faits par le premier juge est exempte de dénaturation car la privation de ressources excédait ici la durée d’un mois.

B. L’équilibre nécessaire avec l’intérêt public de protection des mineurs

L’administration invoquait l’existence d’un intérêt public supérieur tenant à la sécurité et à l’épanouissement des enfants accueillis pour s’opposer à la suspension demandée. Les juges considèrent pourtant que cette circonstance n’est pas établie au regard des éléments produits durant l’instruction contradictoire menée devant le tribunal administratif. Le juge des référés a ainsi procédé à une appréciation globale des circonstances de l’espèce pour conclure au maintien de la condition d’urgence requise.

II. L’existence d’un doute sérieux sur la légalité du licenciement

A. Le contrôle indirect de la légalité de la décision de retrait d’agrément

Le licenciement étant la conséquence juridique nécessaire du retrait de l’agrément, le juge des référés a pu examiner la validité de l’acte initial par voie d’exception. L’ordonnance mentionne que le moyen tiré de l’erreur d’appréciation entachant le retrait d’agrément paraissait « propre à créer un doute sérieux quant à la légalité » de la rupture. Ce contrôle indirect permet de censurer une décision de licenciement dont le fondement juridique semble entaché d’une illégalité manifeste en l’état de l’instruction.

B. La caractérisation souveraine d’une erreur d’appréciation manifeste

Le dossier contenait des rapports élogieux contrastant avec des dénonciations anciennes ou imprécises pour lesquelles l’administration n’apportait aucune preuve matérielle concrète devant le juge. Le département s’est borné à alléguer que la communication des pièces de l’enquête pénale en cours s’avérait impossible sans porter préjudice aux personnes concernées. Le Conseil d’État confirme enfin que cette absence de précisions ne permettait pas de justifier le retrait d’agrément contesté lors de la procédure de référé.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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