Le Conseil d’État a rendu, le 20 juin 2025, une décision précisant les conditions de recevabilité des recours formés par les organisations syndicales. Un syndicat professionnel a sollicité d’une autorité académique le versement d’une prime d’installation au profit des maîtres de l’enseignement privé sous contrat. Cette demande a fait l’objet d’un refus implicite de la part de l’administration, décision que le groupement a ensuite contestée devant la juridiction. Le requérant invoquait le bénéfice d’un décret relatif à cette prime spéciale afin d’obtenir son extension à l’ensemble des agents concernés. La haute juridiction administrative devait déterminer si un syndicat possède l’intérêt pour agir contre le refus d’attribuer collectivement une prestation financière individuelle. Les juges rejettent la requête au motif que la demande tendait uniquement au versement de sommes d’argent dues à chaque maître. L’examen de cette décision conduit à étudier la qualification de la demande indemnitaire collective avant d’analyser l’irrecevabilité liée au défaut de qualité pour agir.
I. La qualification juridique de la demande indemnitaire collective
L’analyse de l’objet du litige constitue le premier socle du raisonnement tenu par la juridiction administrative pour écarter le recours pour excès de pouvoir.
A. L’identification d’une demande de versement individuel
Le juge administratif vérifie si la réclamation initiale porte sur l’édiction d’une norme générale ou sur l’exécution d’une prestation pécuniaire précise. Le Conseil d’État souligne que la démarche « ne tendait à l’abrogation ou à la modification d’aucune disposition réglementaire ». Cette précision fondamentale exclut la remise en cause d’un acte administratif unilatéral créateur de droits ou de portée générale. Le syndicat souhaitait « obtenir le versement, à chacun des maîtres, de la prime spéciale d’installation qui leur aurait été due ». Cette analyse stricte de l’objet de la demande permet de classer le litige dans le domaine des droits pécuniaires individuels. Le constat du caractère individuel de la créance emporte dès lors des conséquences directes sur la recevabilité de la requête en annulation.
B. L’incompatibilité de la demande avec le recours pour excès de pouvoir
Le contentieux de l’excès de pouvoir est traditionnellement réservé à la censure des actes illégaux et non au rétablissement de droits financiers. La juridiction rappelle que la demande porte « uniquement à obtenir le versement » de sommes dont le syndicat estime les agents bénéficiaires. Une telle prétention relève normalement du plein contentieux, lequel impose des conditions de présentation et des règles de fond radicalement différentes. En choisissant la voie de l’annulation, le requérant a méconnu la nature même des prérogatives reconnues aux groupements professionnels devant le juge. L’erreur d’aiguillage procédural conduit à une analyse rigoureuse de la qualité pour agir du syndicat dans ce cadre spécifique. La qualification de la demande comme une réclamation pécuniaire individuelle justifie alors l’examen de la qualité pour agir du syndicat requérant.
II. L’irrecevabilité manifeste pour défaut de qualité pour agir
La solution retenue par les juges s’appuie sur une conception classique de l’intérêt collectif qui limite l’action des syndicats en matière financière.
A. L’absence d’intérêt collectif pour des droits pécuniaires individuels
La jurisprudence administrative distingue nettement la défense des intérêts professionnels généraux des actions visant à l’octroi d’avantages financiers à des individus. Le Conseil d’État affirme qu’ « eu égard au caractère collectif d’une telle demande, le syndicat requérant est sans qualité pour introduire contre son rejet un recours ». Les syndicats ne peuvent se substituer aux membres d’une profession pour réclamer le paiement de sommes dont le bénéfice dépend de situations personnelles. Cette restriction protège l’administration contre une multiplication de recours globaux portant sur des créances qui doivent être examinées au cas par cas. L’intérêt à agir doit être direct et personnel lorsqu’il s’agit de percevoir une indemnité prévue par les textes réglementaires. Le défaut d’intérêt collectif permet au juge administratif d’appliquer les mécanismes de simplification de la procédure contentieuse.
B. La mise en œuvre de la procédure de rejet simplifié
Le juge fait usage de ses pouvoirs d’organisation de la procédure pour mettre fin rapidement à une instance dont l’issue est certaine. L’article R. 351-4 du code de justice administrative autorise le rejet des conclusions entachées d’une « irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte en cours d’instance ». Cette disposition permet de statuer sans instruction approfondie lorsque le défaut de qualité pour agir apparaît comme une évidence juridique insurmontable. La décision précise que la requête est « entachée d’une irrecevabilité manifeste », justifiant ainsi un rejet immédiat par la haute assemblée. Cette fermeté processuelle assure une meilleure gestion du calendrier contentieux tout en rappelant les principes de base de la recevabilité.