La décision rendue par le Conseil d’État le 16 juillet 2025 s’inscrit dans le cadre du contentieux de la promotion interne des enseignants-chercheurs au sein des universités françaises.
En l’espèce, une candidate a sollicité son accès au corps des professeurs des universités par la voie temporaire de promotion instituée par le décret du 20 décembre 2021. Le président de l’établissement a toutefois refusé de l’inscrire sur la liste des candidats proposés, alors qu’un autre candidat était nommé ultérieurement par un décret du président de la République. La requérante a donc formé deux recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de la décision de refus ainsi que du décret de nomination de son collègue.
La haute juridiction administrative devait déterminer si l’absence de transmission de certains documents essentiels entre les instances consultatives et décisionnelles entachait la régularité de la procédure de promotion. Les juges du Palais-Royal considèrent que le non-respect des étapes de communication entre les instances prive les candidats d’une garantie et justifie l’annulation des actes contestés. Cette solution repose sur une interprétation stricte du cadre réglementaire encadrant les promotions universitaires, lequel impose une circulation ordonnée de l’information entre les différents organes.
I. La consécration d’un formalisme procédural garantissant l’examen exhaustif des candidatures
A. La chronologie impérative des avis entre les instances consultatives
Le Conseil d’État souligne l’importance de la hiérarchie temporelle des avis rendus par les différentes instances au cours du processus de sélection des futurs professeurs. Les dispositions réglementaires prévoient que le dossier de candidature, enrichi des avis du conseil national compétent, doit être préalablement communiqué au comité de promotion de l’établissement. Cette transmission préalable permet aux membres de l’instance locale de statuer en pleine connaissance de cause sur l’aptitude et l’expérience professionnelle de chaque candidat évalué.
Le juge précise ainsi que « les avis du Conseil national des universités doivent être communiqués au comité de promotion avant que celui-ci ne rende ses propres avis ». L’omission de cette formalité constitue un vice substantiel puisque l’instance locale ne dispose pas de l’évaluation nationale requise pour forger sa propre conviction technique. Cette exigence assure une cohérence nécessaire entre l’appréciation des pairs au niveau national et l’examen effectué par les instances de proximité propres à chaque université.
B. L’obligation de documentation des auditions pour l’information du chef d’établissement
La régularité du processus de promotion dépend également de la transmission effective des comptes rendus d’audition au président de l’université chargé d’établir la liste finale des propositions. Le comité de promotion doit en effet adresser, outre la liste classée par ordre alphabétique, les éléments permettant d’éclairer la motivation et l’aptitude réelle des candidats auditionnés. L’absence de ces comptes rendus prive l’autorité de nomination d’une base factuelle indispensable pour exercer son pouvoir de proposition de manière parfaitement éclairée et objective.
Le texte souligne que le comité « établit les comptes rendus de chacune des auditions et les adresse au chef d’établissement », formalité qui n’avait pas été respectée dans cette affaire. Le non-respect de cette obligation de transmission fragilise l’ensemble de la décision administrative en isolant le décideur final des travaux préparatoires menés par le comité technique. Une telle carence procédurale conduit le juge administratif à sanctionner l’acte attaqué en raison de l’insuffisance manifeste de l’instruction menée par l’administration de l’établissement.
II. La sanction de l’irrégularité et l’encadrement des pouvoirs de l’autorité universitaire
A. L’annulation des décisions fondée sur la privation d’une garantie substantielle
L’annulation prononcée par le Conseil d’État découle de l’application rigoureuse de la théorie des vices de procédure affectant les garanties fondamentales dont bénéficient les agents publics. Le juge administratif considère que l’absence de communication des avis et des comptes rendus constitue une irrégularité ayant « privé la requérante d’une garantie » de procédure essentielle. Le droit à un examen équitable du dossier suppose que chaque instance intervienne selon les modalités précises définies par les textes réglementaires actuellement en vigueur.
L’annulation du refus d’inscription entraîne par voie de conséquence celle du décret de nomination du tiers, afin de rétablir la pleine légalité de la procédure entachée. Cette rigueur contentieuse démontre la volonté du juge de protéger les candidats contre les dérives potentielles résultant d’une instruction administrative lacunaire ou simplement désordonnée. La décision impose alors une reprise totale de la procédure de promotion au stade précis où l’irrégularité initiale a été constatée par la juridiction administrative.
B. La conciliation entre le pouvoir d’appréciation et l’indépendance des enseignants-chercheurs
La solution rendue précise l’étendue du pouvoir dont dispose le chef d’établissement tout en rappelant les limites inhérentes au statut particulier des enseignants-chercheurs en France. Le président de l’université doit tenir compte des avis rendus sans pour autant renoncer à son pouvoir d’appréciation souverain lors de l’établissement de sa liste. Toutefois, le principe d’indépendance s’oppose à ce que ce pouvoir se fonde sur la « qualification scientifique des candidats évaluée par le Conseil national des universités ».
Le chef d’établissement doit donc limiter son analyse aux seuls motifs liés à l’administration de l’université sans remettre en cause l’évaluation scientifique effectuée par les pairs. Cet équilibre subtil préserve l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur tout en garantissant que les promotions reposent sur des critères objectifs et partagés par la communauté. La décision du Conseil d’État réaffirme l’importance cruciale de la collégialité et de la transparence dans la gestion de la carrière des personnels de recherche.