4ème chambre du Conseil d’État, le 23 janvier 2025, n°494959

Le Conseil d’État a rendu, le 23 janvier 2025, une décision précisant les conditions de suspension d’un membre du personnel de l’enseignement supérieur. Un professeur d’université, responsable d’un master au sein d’un institut d’administration des entreprises, a fait l’objet d’une mesure d’éviction temporaire. Cette décision a été prise par le président de l’université agissant par délégation de la ministre chargée de l’enseignement supérieur pour une durée d’un an. Le requérant a saisi la haute juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de cet acte administratif. Il soutient que les conditions de fond prévues par le code de l’éducation n’étaient pas réunies au moment de son éviction conservatoire. Le Conseil d’État devait déterminer si les faits reprochés présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier légalement cette mesure. La juridiction rejette la requête en considérant que la poursuite des activités de l’enseignant présentait des inconvénients sérieux pour le bon fonctionnement du service.

I. L’encadrement juridique de la mesure de suspension conservatoire

A. Les critères de fond de l’éviction temporaire

La suspension prévue par l’article L. 951-4 du code de l’éducation revêt un caractère strictement conservatoire et vise à protéger l’intérêt du service public. Le juge précise qu’elle ne peut être prononcée que lorsque les faits présentent un « caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ». Cette mesure ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une précaution nécessaire pour assurer la sérénité des activités universitaires et des procédures. L’administration doit ainsi démontrer que le maintien de l’agent dans ses fonctions pourrait compromettre le déroulement normal des enseignements ou des investigations internes. La décision commentée souligne que la suspension repose sur la nécessité d’écarter un risque immédiat pour le fonctionnement de l’institution d’enseignement supérieur.

B. Le lien nécessaire avec la procédure disciplinaire

L’arrêt rappelle qu’en l’absence de poursuites pénales, le maintien de la suspension est subordonné à l’engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable. Cette exigence garantit que l’éviction temporaire ne se transforme pas en une sanction définitive déguisée sans les garanties propres au droit disciplinaire. Le Conseil d’État veille ainsi au respect des droits de la défense tout en permettant à l’autorité administrative d’agir avec célérité. La mesure est limitée à une durée maximale d’un an, ce qui souligne son caractère provisoire et l’obligation de diligence pour l’administration. La protection de l’agent est ainsi assurée par le maintien intégral de son traitement durant toute la période de son éloignement.

II. L’exercice du contrôle juridictionnel sur l’intérêt du service

A. La caractérisation d’un comportement incompatible avec l’enseignement

Le juge de l’excès de pouvoir s’appuie sur des témoignages concordants d’étudiants et des courriels de la direction pour valider la décision de l’université. Les griefs retenus incluent des « pratiques professionnelles manifestement incompatibles avec ses fonctions d’enseignant » ainsi que des propos dévalorisants répétés envers certains usagers. Ces éléments de fait caractérisent une « dégradation profonde du climat de travail affectant les activités universitaires » et justifient l’éloignement immédiat de l’enseignant concerné. L’intérêt des étudiants et la préservation d’un environnement pédagogique sain priment ici sur le droit du professeur au maintien dans ses fonctions. La pression excessive exercée sur les étudiants est assimilée à une forme de harcèlement moral justifiant la gravité de la mesure prise.

B. L’appréciation de la légalité au moment de l’édiction

Le Conseil d’État rappelle qu’il doit statuer « au vu des informations dont disposait effectivement l’autorité administrative au jour de sa décision ». Ce contrôle se limite donc à l’appréciation des éléments connus lors de l’édiction de l’acte, sans intégrer d’éventuelles pièces probatoires produites a posteriori. La haute juridiction confirme que le président de l’université n’a pas fait une « inexacte application » des dispositions législatives en suspendant le professeur. Cette solution réaffirme la marge d’appréciation dont dispose l’autorité administrative pour écarter temporairement un agent dont le comportement menace l’ordre du service. Le rejet de la requête consacre ainsi la primauté de la continuité et de la dignité du service public sur les intérêts individuels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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