4ème chambre du Conseil d’État, le 30 juillet 2025, n°466212

Le Conseil d’État, dans sa décision du 30 juillet 2025, précise les modalités de recouvrement des rémunérations indûment versées aux agents publics par l’administration.

En l’espèce, une agente publique a perçu l’intégralité de son traitement durant un congé de maladie prolongé tout en bénéficiant parallèlement d’indemnités journalières de sécurité sociale. L’administration a émis seize titres de perception pour recouvrer ces sommes indues, mais l’intéressée a contesté ces actes devant la juridiction administrative. Par un jugement du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les titres pour irrégularité formelle et a déchargé l’agente de son obligation de payer. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé ce jugement le 16 juillet 2019, avant que le Conseil d’État n’annule cet arrêt le 1er juillet 2021. La cour administrative d’appel de Toulouse, statuant sur renvoi le 7 juin 2022, a maintenu la décharge pour les créances antérieures à septembre 2012. L’administration se pourvoit une nouvelle fois en cassation afin d’obtenir l’annulation de cette dernière décision et le rétablissement de ses droits de créance.

La haute juridiction administrative doit déterminer si l’exercice d’un recours contentieux par l’agent interrompt la prescription biennale de la créance de l’administration. Elle examine également si l’annulation d’un titre de perception pour vice de forme interdit la régularisation ultérieure du recouvrement par la personne publique. Le Conseil d’État censure le raisonnement des juges d’appel et règle l’affaire au fond en validant l’interruption de la prescription par l’introduction de l’instance. L’étude du régime de la prescription biennale précèdera l’analyse des conséquences attachées à l’annulation contentieuse d’un titre de perception pour un vice de forme.

I. L’interruption de la prescription biennale relative aux rémunérations indues

A. Le champ d’application de la répétition des sommes versées par erreur

Le Conseil d’État rappelle que les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération peuvent être répétées. Ces dispositions s’appliquent « y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ». Le délai de prescription est fixé à deux années à compter du premier jour du mois suivant la date de mise en paiement du versement erroné. Cette règle générale de prescription biennale régit l’ensemble des sommes indûment versées par les collectivités publiques à leurs agents au titre de leur rémunération globale. En l’absence de dispositions spéciales contraires, les causes d’interruption du délai sont régies par les principes fondamentaux dont s’inspirent les dispositions du code civil.

B. Le caractère interruptif du recours juridictionnel formé par l’agent

La décision affirme qu’un « recours juridictionnel, quel que soit l’auteur du recours, interrompt le délai de prescription » applicable à la créance de l’administration. L’interruption résultant de cette demande en justice produit ses effets de manière continue jusqu’à l’extinction définitive de l’instance engagée devant le juge administratif. La lettre informant l’agent de l’intention de répéter l’indu ou la notification d’un titre de perception interrompent également la prescription à leur date. La cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que l’annulation d’un titre entraînait la disparition rétroactive de son effet interruptif. Le Conseil d’État rétablit ici la portée de l’acte interruptif qui préserve les droits de la puissance publique malgré les irrégularités formelles de l’acte initial.

II. Les conséquences de l’annulation d’un titre pour vice de forme

A. La persistance de la créance malgré l’irrégularité externe du titre

L’annulation d’un titre de perception pour un motif d’incompétence ou de régularité en la forme n’implique pas la restitution immédiate des sommes déjà perçues. Le juge souligne qu’il est « loisible à l’administration, si elle s’y croit fondée », de reprendre régulièrement une nouvelle décision de recouvrement sous son contrôle. L’autorité de la chose jugée attachée à une annulation pour vice de forme ne s’oppose pas à ce que l’administration régularise sa créance. Tant qu’aucune règle de prescription n’y fait obstacle, le lien d’obligation entre l’agent et la personne publique subsiste malgré l’infirmité de l’acte. La créance demeure juridiquement fondée si le paiement initial était dépourvu de cause, permettant ainsi une nouvelle émission de titres par l’autorité compétente.

B. Le cadre temporel de la régularisation par la puissance publique

Lorsqu’un indu a déjà été recouvré sur le fondement d’un titre annulé pour vice de forme, le juge fixe un délai de remboursement à l’administration. Toutefois, l’État peut se dispenser de cette restitution s’il procède à la régularisation de sa décision de récupération avant l’expiration du délai imparti. L’administration peut émettre de nouveaux titres de perception pour les sommes dont la prescription n’était pas acquise au moment des actes interruptifs initiaux. En l’espèce, la prescription a été valablement interrompue par la contestation de l’agente reçue par les services financiers puis par l’introduction du recours contentieux. L’État dispose ainsi de la faculté de recouvrer les sommes versées à tort en respectant strictement les formes prescrites lors de la nouvelle émission.

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Hassan KOHEN
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