4ème chambre du Conseil d’État, le 30 juillet 2025, n°488544

Le Conseil d’État a rendu, le 30 juillet 2025, une décision relative à la régularité des procédures de recrutement des professeurs des universités au regard du principe d’impartialité. Une enseignante-chercheuse avait sollicité sa mutation prioritaire sur un poste de marketing ouvert au sein d’une université, en invoquant le motif légal du rapprochement de conjoints. Le conseil académique siégeant en formation restreinte a émis un avis défavorable sur cette priorité, renvoyant l’examen de la candidature devant le comité de sélection. Ce dernier a classé l’intéressée en troisième position, tandis qu’une autre candidate, exerçant des responsabilités communes avec un membre du conseil, a été classée première. La candidate évincée a alors saisi la haute juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation des délibérations ayant jalonné ce processus. La question posée aux juges consistait à savoir si la participation d’un membre entretenant des liens professionnels étroits avec une candidate entachait d’irrégularité la délibération. Le Conseil d’État répond par l’affirmative, jugeant que ces circonstances ont influé sur les positions prises par les membres du conseil académique lors de l’éviction de la requérante.

I. La rigueur du principe d’impartialité dans l’appréciation des candidatures universitaires

A. La caractérisation de liens professionnels de nature à influer sur le jugement

Le juge administratif rappelle que la simple connaissance d’un candidat par un membre du jury ne suffit pas à justifier une abstention systématique lors des délibérations. En revanche, le respect du principe d’impartialité exige que lorsqu’un membre a des liens « tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles », il doit impérativement s’abstenir. En l’espèce, une membre du conseil académique partageait la responsabilité d’un groupe de recherche en marketing avec la candidate finalement retenue au premier rang du classement. Cette collaboration institutionnelle au sein du même laboratoire constitue un lien professionnel suffisamment étroit pour faire peser un doute sérieux sur l’objectivité de l’examen. La décision précise que de telles circonstances sont « de nature à influer sur les positions prises » par l’organe collégial au moment d’écarter une candidature concurrente.

B. L’obligation d’abstention totale étendue à l’ensemble de la procédure

La jurisprudence administrative impose une règle d’abstention stricte à tout membre dont l’impartialité pourrait être remise en cause par la présence d’un candidat proche. L’intéressé doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations concernant ce candidat, mais également ne pas siéger pour « l’ensemble des candidats au concours » concerné. Cette obligation d’éviction totale garantit l’égalité de traitement entre tous les postulants et prévient toute influence occulte sur le reste du jury pendant les débats. La membre en cause avait participé physiquement à la première délibération litigieuse, puis s’était fait représenter par procuration lors de la séance suivante de l’instance. Le Conseil d’État sanctionne cette participation indirecte, estimant que la méconnaissance du principe d’impartialité entache irrémédiablement la légalité des avis rendus par le conseil académique.

II. La portée de l’annulation contentieuse et ses limites opérationnelles

A. L’effet de contagion de l’irrégularité sur les actes subséquents

L’annulation de la première délibération du conseil académique entraîne mécaniquement celle des actes qui en constituent la suite nécessaire dans la procédure de recrutement. Le juge administratif considère que les délibérations du comité de sélection et les avis ultérieurs du conseil d’administration sont pris « par voie de conséquence » de l’acte initial. Puisque l’examen de la mutation prioritaire a été biaisé dès l’origine, l’ensemble du processus de classement des candidats se trouve juridiquement privé de son fondement légal. Cette solution protège les droits des candidats en permettant de censurer une procédure dont les étapes successives sont étroitement liées les unes aux autres. Le Conseil d’État réaffirme ainsi que le vice d’impartialité affectant un organe consultatif se propage à toutes les décisions administratives qui s’appuient sur son expertise.

B. L’irrecevabilité du recours contre la nomination par mutation interne

Malgré l’annulation des délibérations préparatoires, la candidate évincée ne parvient pas à obtenir l’annulation de la nomination de sa concurrente sur le poste de professeur. L’université a finalement procédé à une « mutation interne », modalité de recrutement qui ne nécessitait pas l’ouverture formelle du concours initialement prévu par le décret statutaire. En optant pour cette voie alternative, l’administration est regardée comme ayant renoncé à poursuivre la procédure de recrutement engagée au titre du concours de professeurs. Les conclusions dirigées contre la décision de nomination sont donc déclarées « dépourvues d’objet » dès leur présentation, entraînant leur rejet immédiat pour irrecevabilité manifeste. Cette subtilité procédurale limite l’efficacité pratique de l’annulation obtenue, car l’université conserve le bénéfice du recrutement opéré sous une autre qualification juridique non contestée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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