4ème chambre du Conseil d’État, le 6 août 2025, n°501066

Le Conseil d’État a rendu, le 6 août 2025, une décision relative à la suspension d’un médecin chirurgien pour insuffisance professionnelle. Cette affaire pose la question de l’autorité des rapports d’expertise ordinale face au pouvoir d’appréciation souverain des instances de l’ordre.

Le requérant, spécialiste en chirurgie orthopédique, avait cessé toute activité opératoire durant une période continue de plus de quatre années consécutives. Saisi par le conseil départemental de l’Isère, le conseil national de l’ordre des médecins a prononcé une suspension partielle du droit d’exercer.

L’intéressé sollicite l’annulation de cet acte au motif que le rapport d’expertise médicale n’avait pas conclu à une quelconque insuffisance technique. La juridiction administrative devait déterminer si l’instance ordinale peut s’écarter des conclusions d’une expertise collégiale pour caractériser un danger.

La Haute Juridiction rejette la requête en précisant que le rapport d’expertise n’a pour seul objet que d’éclairer l’instance sans jamais la lier. L’arrêt sera étudié sous l’angle de la valeur probatoire de l’expertise puis de la reconnaissance du danger lié à l’inactivité.

I. La valeur purement informative de l’expertise médicale

A. Le caractère non contraignant des conclusions techniques

L’article R. 4124-3-5 du code de la santé publique prévoit l’établissement d’un rapport motivé par trois experts qualifiés dans la spécialité concernée. Le Conseil d’État souligne que ce rapport a « pour seul objet d’éclairer l’instance ordinale et ne la lie pas » pour son appréciation.

La décision confirme que les experts procèdent ensemble à l’examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien pour identifier d’éventuelles lacunes. Toutefois, la force probante de leurs constatations demeure soumise à la libre appréciation des conseillers ordinaux statuant sur la dangerosité du professionnel.

B. L’autonomie de l’instance ordinale dans la qualification juridique

L’instance ordinale conserve une pleine liberté pour apprécier l’existence éventuelle d’une « insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la médecine » au regard du dossier. Elle peut légalement retenir une solution contraire aux préconisations techniques si les éléments factuels révèlent un risque manifeste pour la sécurité.

Le juge administratif refuse d’accorder une autorité absolue aux conclusions de l’expertise médicale, préservant ainsi le pouvoir de police des instances de l’ordre. La formation restreinte du conseil national a donc pu légalement écarter l’avis favorable à la reprise d’activité émis par les experts.

II. La consécration du danger résultant d’une inactivité prolongée

A. La présomption d’insuffisance liée à la rupture de pratique

Le requérant avait cessé toute pratique de la chirurgie depuis plus de quatre ans malgré le maintien d’une activité de simple consultation spécialisée. Cette absence prolongée de pratique opératoire constitue un élément factuel déterminant que les juges utilisent pour justifier la mesure de suspension temporaire.

L’arrêt précise qu’il n’est pas contesté que le praticien n’a plus opéré de patients durant cette longue période précédant la décision attaquée. Le Conseil d’État valide ainsi l’analyse de l’ordre considérant que l’absence de pratique chirurgicale fait présumer une incapacité à exercer sans risque.

B. La légitimité des mesures de remise à niveau imposées

La décision subordonne la reprise de l’activité professionnelle au suivi de deux stages de formation pratique comportant une activité opératoire en milieu hospitalier. Cette exigence de remise à niveau apparaît proportionnée aux nécessités de la protection de la santé publique face à une perte potentielle de technicité.

La formation restreinte du conseil national de l’ordre n’a pas fait une inexacte application du code de la santé publique en définissant ces obligations. La suspension pour six mois, assortie d’une formation adaptée, permet d’assurer la sécurité des futurs opérés tout en encadrant le retour du praticien.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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