Le Conseil d’État, dans sa décision du 10 juillet 2025, précise les contours du pouvoir de régulation de l’audiovisuel en matière de pluralisme politique. Un adjoint au maire d’une commune importante, également chef d’entreprise, contestait son classement comme personnalité politique par l’autorité de régulation. L’intéressé intervenait régulièrement sur un service de télévision pour commenter l’actualité politique nationale sans lien avec ses fonctions professionnelles. L’autorité administrative avait alors décidé de décompter ses interventions sous la nuance politique divers droite pour garantir l’équilibre des courants de pensée.
Le requérant a formé un recours en excès de pouvoir contre cette délibération ainsi que contre les décisions rejetant ses recours gracieux. Une société d’exploitation d’un service d’information est intervenue au soutien de sa requête devant la haute juridiction administrative. Le litige porte principalement sur la légalité de l’identification d’une personne physique comme acteur du débat politique national. La question posée est de savoir si l’exercice d’un mandat local cumulé à des interventions médiatiques régulières justifie un tel classement.
Le Conseil d’État rejette la requête en validant l’appréciation souveraine du régulateur pour assurer l’objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme. La juridiction administrative considère que la nature des propos tenus et le mandat électif l’emportent sur la qualité professionnelle de l’intéressé. L’analyse portera d’abord sur l’affirmation d’une large compétence du régulateur avant d’étudier la validation des critères de qualification de la personnalité politique.
I. L’affirmation d’une large compétence de régulation du pluralisme
A. Un pouvoir d’appréciation étendu au service d’un objectif constitutionnel
Le législateur a confié à l’autorité de régulation la mission de garantir « le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ». Cette autorité dispose d’un « large pouvoir d’appréciation pour fixer les règles propres à assurer une présentation équilibrée du débat politique ». Cette compétence implique nécessairement la faculté d’identifier les personnes dont les interventions doivent faire l’objet d’un décompte précis. Le juge administratif confirme ainsi que le régulateur peut désigner les personnalités n’appartenant ni à l’exécutif ni à un parti. Cette mission s’exerce sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir sans empiéter sur la liberté éditoriale des services audiovisuels.
B. L’éviction des formalités procédurales propres aux décisions individuelles défavorables
Le requérant soutenait que la décision de classement aurait dû faire l’objet d’une motivation et d’une procédure contradictoire préalable. Le Conseil d’État écarte ce moyen en jugeant que la délibération n’est pas « prise en considération de la personne ». Cette décision à destination des éditeurs n’entre pas dans la catégorie des actes administratifs individuels défavorables soumis au code des relations entre le public et l’administration. L’absence de procédure contradictoire ne constitue donc pas une irrégularité puisque l’acte vise uniquement l’organisation du décompte du temps de parole. Cette souplesse procédurale renforce l’efficacité de l’autorité de régulation dans sa gestion quotidienne du pluralisme sur les antennes.
II. La validation des critères de qualification de la personnalité politique
A. La prédominance du mandat et de la nature des interventions médiatiques
Pour valider le classement, la haute juridiction souligne que l’intéressé est « élu au conseil municipal » et exerce des fonctions d’adjoint au maire. Ses interventions régulières pour « commenter l’actualité sur divers sujets politiques » sans lien avec son expertise professionnelle justifient son identification comme acteur politique. Le juge estime que l’autorité n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de sa profession de chef d’entreprise. La nuance politique attribuée se fonde légitimement sur « la teneur des prises de position de l’intéressé dans le débat public ». Ce faisceau d’indices permet de rattacher une parole individuelle à un courant de pensée identifiable pour le public.
B. La conciliation proportionnée avec les libertés fondamentales
Le Conseil d’État juge que la décision ne méconnaît pas la liberté d’expression protégée par la Convention européenne des droits de l’homme. La mesure « ne remet pas en cause la possibilité pour la personnalité ainsi désignée de s’exprimer dans les médias ». Il s’agit d’une simple modalité de décompte visant à assurer l’équilibre global des interventions sur les services de radio et télévision. Le grief tiré d’une éventuelle discrimination par rapport à d’autres élus locaux est également écarté par le juge administratif. La décision souligne ainsi que l’exigence de pluralisme justifie des mesures de suivi technique sans porter atteinte à la substance des droits individuels.