5ème – 6ème chambres réunies du Conseil d’État, le 6 mai 2025, n°473562

Le Conseil d’Etat a rendu, le 6 mai 2025, une décision précisant les modalités de recouvrement des créances par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. En l’espèce, une victime a subi un préjudice lié à la pose d’une valve défectueuse au sein d’un établissement hospitalier durant l’année 2013. La commission régionale de conciliation a retenu la responsabilité de l’établissement mais l’assureur n’a présenté aucune offre d’indemnisation à la victime. L’office national s’est substitué à l’assureur pour indemniser la victime et a émis des titres exécutoires afin d’obtenir le remboursement des sommes versées. Le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 2 février 2021, a annulé l’un des titres pour vice de forme. La cour administrative d’appel de Lyon, dans son arrêt du 24 février 2023, a confirmé cette annulation et rejeté les conclusions reconventionnelles de l’office. Le Conseil d’Etat examine si l’annulation formelle d’un titre exécutoire interdit à l’administration de solliciter une condamnation judiciaire au titre de sa subrogation. L’analyse de la régularité des actes de recouvrement précèdera l’étude de la recevabilité des demandes reconventionnelles présentées devant le juge administratif.

I. La rigueur formelle des titres exécutoires et le mécanisme de substitution

A. L’exigence de désignation de l’auteur de l’acte

Le Conseil d’Etat confirme d’abord l’application du code des relations entre le public et l’administration aux titres émis par l’office national d’indemnisation. Selon l’article L. 212-1 de ce code, « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention de son identité ». L’avis des sommes à payer notifié à l’assureur mentionnait le directeur de l’office comme ordonnateur alors qu’une directrice adjointe avait signé le titre. L’absence du nom et de la qualité du signataire réel constitue une irrégularité formelle justifiant l’annulation de l’acte par les juges du fond. Cette solution protège les droits du redevable en lui permettant d’identifier avec certitude l’autorité administrative ayant effectivement exercé son pouvoir de décision.

B. La mise en œuvre de la subrogation légale

L’office national dispose de la faculté de se substituer à l’assureur défaillant pour garantir une indemnisation rapide des victimes d’accidents médicaux. L’article L. 1142-15 du code de la santé publique dispose que l’office est alors « subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime ». Le remboursement peut être poursuivi soit par l’émission d’un titre exécutoire, soit par la saisine directe de la juridiction administrative compétente. Cette dualité de voies de droit offre une souplesse nécessaire à l’organisme public pour assurer l’équilibre financier du dispositif d’indemnisation amiable. La substitution opérée permet de pallier l’inertie de l’assureur tout en préservant les voies de recours ultérieures contre le véritable responsable du dommage.

II. La recevabilité des conclusions reconventionnelles et le pouvoir de sanction juridictionnel

A. La persistance de la créance malgré l’annulation formelle du titre

La haute juridiction censure l’arrêt d’appel ayant déclaré irrecevables les conclusions tendant à la condamnation de l’assureur après l’annulation du titre exécutoire. L’office reste recevable à présenter, à titre subsidiaire, des « conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de ce dernier à lui verser les sommes dues ». Une telle demande est possible lorsque l’annulation du titre exécutoire initial n’est prononcée par le juge que pour un simple motif de régularité. L’erreur de droit de la cour administrative d’appel de Lyon réside dans l’exclusion de cette voie juridictionnelle au motif du choix initial du titre. Le juge doit statuer sur le bien-fondé de la créance subrogatoire même si l’acte administratif de recouvrement a été écarté pour un vice de forme.

B. Le monopole du juge dans le prononcé de la pénalité financière

Le Conseil d’Etat précise enfin le régime de la pénalité prévue en cas de silence ou de refus injustifié de l’assureur de transiger. Il résulte du code de la santé publique que « seul le juge peut prononcer la pénalité » et que l’office ne peut l’émettre lui-même. Le recouvrement de cette sanction ne peut être poursuivi qu’au travers d’une demande reconventionnelle devant la juridiction saisie de l’opposition au titre. La condamnation à cette somme n’est envisageable que si l’indemnité principale est elle-même arrêtée par un titre régulier ou par une décision juridictionnelle. Cette règle garantit un contrôle étroit du juge sur les sanctions pécuniaires infligées aux assureurs dans le cadre de la procédure d’indemnisation.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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