Par une décision rendue le 10 mars 2025, le Conseil d’État précise l’étendue des garanties fondamentales applicables aux procédures disciplinaires des ordres professionnels. Cette espèce concerne un pharmacien d’officine ayant fait l’objet d’une plainte ordinale déposée par une autorité administrative de santé régionale compétente. Suite à une inspection révélant des irrégularités, la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens prononce, le 18 octobre 2021, une interdiction d’exercer. Le professionnel forme un appel devant la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens qui rejette sa requête le 12 janvier 2024. Un pourvoi est alors formé devant la haute juridiction administrative pour contester la régularité de la procédure suivie devant les juges ordinaux. Le Conseil d’État doit déterminer si l’absence d’information du prévenu sur son droit de se taire entache la légalité de la sanction prononcée. Les juges du Palais-Royal répondent par l’affirmative en se fondant sur les principes découlant de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
**I. L’affirmation du droit de se taire devant les juridictions disciplinaires**
**A. Le fondement constitutionnel du droit au silence**
Le Conseil d’État rappelle que l’article 9 de la Déclaration de 1789 consacre le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser. « Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives, mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. » Le droit de se taire s’applique ainsi même sans texte lorsqu’une personne est poursuivie devant une juridiction disciplinaire de l’ordre administratif. Cette protection fondamentale vise à garantir le respect de la présomption d’innocence au cœur de tout procès pouvant aboutir à une sanction.
**B. L’obligation d’information préalable à l’audience**
La décision énonce que la personne faisant l’objet d’une telle procédure ne peut être entendue sans être préalablement informée de ce droit. « L’intéressé doit être avisé qu’il dispose de ce droit, tant lors de son audition au cours de l’instruction que lors de sa comparution. » Cette obligation d’information se renouvelle nécessairement en cas d’appel afin de préserver l’intégrité des droits de la défense à chaque stade. Le juge administratif impose ainsi un formalisme protecteur dont l’omission fragilise la validité des décisions rendues par les instances disciplinaires ordinales.
**II. La sanction de l’irrégularité procédurale et son impact jurisprudentiel**
**A. Une protection effective contre l’auto-incrimination**
Le défaut d’information préalable à l’audience entache la décision d’irrégularité si la personne poursuivie comparaît sans avoir été prévenue de ses droits. L’annulation est prononcée sauf s’il est établi que les propos tenus lors de l’audience n’auraient pas été susceptibles de préjudicier au requérant. Le Conseil d’État relève ici que le professionnel était présent et que la parole lui fut donnée sans avertissement préalable sur son silence. Faute de preuve contraire sur l’absence de préjudice, l’irrégularité commise par la juridiction d’appel entraîne la cassation immédiate de la sanction.
**B. Une extension notable des garanties du procès équitable**
Cette solution renforce la protection des justiciables en alignant la procédure disciplinaire sur les standards constitutionnels les plus protecteurs des libertés. La haute juridiction administrative impose ainsi aux ordres professionnels un formalisme rigoureux destiné à prévenir toute forme d’auto-incrimination involontaire des professionnels. Le renvoi de l’affaire devant les juges ordinaux garantit désormais au requérant un nouvel examen de sa cause dans un cadre juridique sécurisé. Cette jurisprudence consacre l’importance du droit au silence comme pilier essentiel de la justice administrative moderne face au pouvoir répressif.