5ème chambre du Conseil d’État, le 17 avril 2025, n°496984

Le Conseil d’État, par une décision rendue le 17 avril 2025, statue sur les modalités de preuve de l’information préalable en matière de retrait de points. Un conducteur a contesté devant le tribunal administratif de Paris plusieurs décisions de retrait de points consécutives à des infractions relevées sans interception immédiate. Par un jugement du 19 juin 2024, cette juridiction a annulé les actes contestés au motif que l’administration n’apportait pas la preuve du paiement des amendes. L’autorité ministérielle a alors formé un pourvoi en cassation contre cette décision devant la haute juridiction administrative pour obtenir son annulation partielle.

La question posée porte sur la valeur probante d’une requête en exonération quant à la réception par l’intéressé de l’information mentionnée au code de la route. La haute assemblée considère que « la circonstance qu’un conducteur forme, contre un avis de contravention, la requête en exonération […] établit qu’il a reçu cet avis ». Il en résulte une présomption de délivrance de l’information préalable obligatoire, sauf si le requérant démontre que le document reçu était substantiellement irrégulier.

I. L’établissement de la preuve de l’information préalable par l’exercice d’un recours

A. La réception de l’avis de contravention déduite de la requête en exonération

Le juge administratif subordonne traditionnellement la légalité d’un retrait de points à la preuve certaine de la délivrance d’une information préalable au conducteur fautif. La présente décision précise que l’exercice d’une voie de recours contre la contravention manifeste nécessairement la connaissance acquise du contenu de l’avis de contravention. Selon le Conseil d’État, l’envoi d’une requête en exonération « établit qu’il a reçu cet avis et qu’il doit être regardé comme ayant, par suite, bénéficié de l’information ».

Cette solution simplifie les exigences probatoires pesant sur l’administration en substituant la preuve du paiement par celle de l’exercice d’une contestation administrative ou judiciaire. L’utilisation du formulaire spécifiquement attaché à l’avis de contravention constitue un indice matériel irréfragable de la détention du document informatif par le titulaire du certificat. La juridiction administrative valide ainsi une méthode de preuve indirecte mais logique, fondée sur la chronologie et la nature des actes de procédure effectués par l’administré.

B. L’opposabilité des mentions informatives contenues dans l’avis reçu

L’avis de contravention envoyé au domicile du titulaire contient l’ensemble des mentions relatives aux conséquences de l’infraction sur le capital de points du permis. Dès lors que la réception du support matériel est établie par l’aveu implicite que constitue la requête, l’administration est réputée avoir rempli ses obligations. La solution retenue confirme que le conducteur « doit être regardé comme ayant, par suite, bénéficié de l’information préalable prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 ».

Cette présomption de connaissance effective des droits et obligations par le conducteur renforce l’efficacité du système de retrait de points automatisé sans interception préalable. Le juge considère que l’information est opposable dès lors que le destinataire a pu exercer son droit de contestation en s’appuyant sur le document litigieux. La haute juridiction assure ici une cohérence entre le droit de la procédure pénale et les exigences de transparence propres au droit administratif des sanctions.

II. Une solution restrictive encadrant les garanties du conducteur

A. Une dénaturation des pièces du dossier par le premier juge

Le tribunal administratif de Paris avait estimé que l’absence de preuve du paiement des amendes forfaitaires empêchait de considérer l’obligation d’information comme régulièrement accomplie. Or, le dossier contenait des pièces démontrant que l’officier du ministère public avait été saisi de requêtes en exonération présentées au moyen du formulaire officiel. Le Conseil d’État juge que « le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier » en ignorant l’implication nécessaire de ces démarches sur la réception de l’avis.

L’annulation du jugement s’explique par l’erreur manifeste d’appréciation commise par le premier juge qui a restreint les modes de preuve acceptables à la seule production du paiement. La haute juridiction rappelle ainsi l’importance d’une analyse globale des pièces produites par l’administration, notamment les bordereaux de transmission aux services du parquet compétents. Cette censure souligne la nécessité pour les juges du fond de vérifier si d’autres actes de procédure ne révèlent pas la détention préalable du document.

B. Le maintien d’une réserve relative à l’exactitude des mentions

Bien que la preuve de la réception soit facilitée, le conducteur conserve la faculté de contester la qualité de l’information réellement portée à sa connaissance personnelle. La juridiction précise que la présomption de bénéfice de l’information s’applique « sauf à soutenir qu’il a reçu un avis incorrect ou incomplet » lors de l’envoi initial. Cette réserve préserve les droits de la défense en permettant au requérant de renverser la preuve s’il démontre une lacune grave dans les mentions obligatoires.

Dans l’espèce commentée, le conducteur ne produisait aucun élément de nature à remettre en cause l’exactitude des mentions portées sur les avis de contravention litigieux. Le juge du fond, statuant après cassation, rejette donc la requête faute pour l’intéressé d’avoir invoqué et prouvé une irrégularité spécifique du contenu informatif reçu. La solution finale illustre un équilibre entre la célérité administrative et la protection théorique des administrés contre les éventuelles erreurs matérielles des services instructeurs.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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