Le Conseil d’État, par une décision du 19 août 2025, se prononce sur la contestation d’un régime d’avancement de grade. Un agent demande l’annulation de décrets modifiant son statut particulier ainsi que d’une circulaire fixant la date de ses promotions. Le tribunal administratif de Pau, par une ordonnance du 20 février 2025, transmet cette requête à la haute juridiction administrative. Le requérant invoque une méconnaissance de son ancienneté acquise et sollicite le rétablissement de la date de prise d’effet au premier janvier. La question posée au juge porte sur la recevabilité du recours contre les actes réglementaires et la marge de manœuvre de l’administration. La juridiction rejette la demande en soulignant la tardivité du recours initial et l’absence d’obligation de faire coïncider les dates d’évaluation et de nomination. L’examen de la décision révèle l’importance des délais de procédure (I) et la liberté d’organisation du service public (II).
I. L’irrecevabilité du recours contre les dispositions réglementaires antérieures
L’analyse porte sur la protection de la sécurité juridique par l’application stricte des délais de recours prévus par les textes administratifs.
A. La tardivité du recours dirigé contre les décrets statutaires
L’article R. 421-1 du code de justice administrative fixe le délai de saisine à deux mois après la publication des décisions attaquées. Les décrets contestés furent publiés au Journal officiel le 29 juillet 2023 alors que la requête fut enregistrée seulement en mars 2024. Le Conseil d’État constate que la contestation intervient « après l’expiration du délai de deux mois qui commençait à courir à la date de publication ». Cette solution protège la stabilité des actes administratifs réglementaires contre des remises en cause tardives de la part des agents publics.
B. La requalification des conclusions portant sur les effets des actes
L’agent visait l’annulation des conséquences des réformes sans attaquer explicitement une décision individuelle prise sur le fondement de ces textes réglementaires. Le juge considère que ces conclusions « ne peuvent être comprises (…) que comme tendant à l’annulation pour excès de pouvoir » des décrets eux-mêmes. Cette interprétation rigoureuse de l’objet du litige empêche de contourner les délais de recours par une formulation imprécise de la requête. La décision confirme que le contentieux de la légalité d’un acte ne renaît pas par la simple évocation de ses effets.
Le rejet de la contestation des décrets conduit le juge à examiner la légalité interne de l’acte fixant les modalités de promotion.
II. La souplesse de l’administration dans la gestion des dates de promotion
Le juge administratif définit ici l’étendue du pouvoir discrétionnaire de l’autorité compétente pour organiser les carrières au sein de la fonction publique.
A. L’absence d’obligation de rétroactivité au premier janvier
Le requérant soutenait que les conditions d’ancienneté s’appréciant au premier janvier, l’avancement devait obligatoirement prendre effet à cette date pour l’année considérée. Le Conseil d’État rejette ce raisonnement en affirmant que les dispositions statutaires « n’imposent pas que les promotions (…) prennent nécessairement effet à cette date ». Le cadre législatif laisse ainsi une liberté temporelle à l’administration pour décider de la mise en œuvre effective des tableaux d’avancement. Cette distinction entre l’éligibilité au grade et la nomination permet une gestion budgétaire adaptée aux nécessités réelles du service public.
B. La charge de la preuve concernant les ruptures d’égalité
L’intéressé arguait que le décalage de la date d’effet créait une distorsion de classement préjudiciable par rapport aux promotions des années précédentes. La juridiction écarte ce moyen en notant que le requérant « ne l’établit pas alors d’ailleurs que le décret (…) a prévu des mesures transitoires ». L’existence de dispositifs spécifiques pour organiser le reclassement des agents rend les allégations de rupture d’égalité juridiquement inopérantes sans preuve matérielle. Le juge refuse de sanctionner les choix techniques du pouvoir réglementaire en l’absence d’une démonstration probante d’une erreur d’appréciation.