Le Conseil d’État a rendu, le 21 juillet 2025, un arrêt relatif à la responsabilité d’un centre hospitalier pour une infection contractée après une chirurgie.
Un patient a subi une gastrectomie en janvier 2015, suivie de complications infectieuses graves nécessitant plusieurs interventions et engendrant des séquelles permanentes pour la victime.
Le Tribunal administratif d’Amiens a condamné l’établissement le 10 novembre 2021, mais la Cour administrative d’appel de Douai a réduit les indemnités en janvier 2023.
La caisse primaire d’assurance maladie demande alors l’annulation de cet arrêt, contestant l’appréciation des juges du fond sur la date d’apparition de l’infection.
La haute juridiction doit déterminer si les juges d’appel ont commis une erreur manifeste dans l’interprétation des rapports médicaux concernant le caractère nosocomial des troubles.
La décision s’articule autour de la qualification rigoureuse de l’infection nosocomiale (I) avant de sanctionner la dénaturation flagrante des pièces médicales par les juges (II).
I. La qualification rigoureuse de l’infection nosocomiale
Le Conseil d’État rappelle d’abord les conditions légales permettant de retenir la responsabilité sans faute de l’établissement public de santé pour une infection nosocomiale.
A. Les critères de la présomption de responsabilité hospitalière
Selon l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf preuve d’une cause étrangère.
L’arrêt précise qu’une infection est nosocomiale si elle survient lors de la prise en charge sans être présente ou en incubation au début des soins.
Cette définition jurisprudentielle s’applique de manière stricte afin de garantir une indemnisation efficace aux usagers du service public hospitalier victimes d’un aléa thérapeutique.
B. L’indifférence de l’origine directe du syndrome infectieux
La juridiction souligne qu’il « n’y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection a le caractère d’un accident médical ».
Le lien éventuel avec une pathologie préexistante du patient ne saurait davantage exonérer l’établissement de son obligation légale de sécurité vis-à-vis des risques infectieux.
Cette interprétation favorise la stabilité du régime de responsabilité en limitant les moyens de défense fondés sur l’état antérieur de la personne ayant subi l’intervention.
II. La censure de la dénaturation des faits médicaux
Le Conseil d’État examine ensuite la réalité matérielle des faits pour vérifier si la qualification juridique opérée par les juges du fond est exempte d’erreur.
A. L’erreur matérielle sur la chronologie de l’infection
La Cour administrative d’appel de Douai avait affirmé le 24 janvier 2023 que l’infection n’était apparue que deux mois après la sortie du centre hospitalier.
Toutefois, le dossier médical indiquait un diagnostic dès le 4 février 2015, soit seulement trois jours après que le patient eut quitté le premier établissement.
Les analyses sanguines montraient alors « un nombre anormalement élevé de leucocytes justifiant son placement sous antibiothérapie » lors de son admission en urgence dans un autre service.
B. L’annulation de l’arrêt pour dénaturation des pièces du dossier
En retenant un délai de deux mois, les juges d’appel ont méconnu les pièces du rapport d’expertise qui attestaient une aggravation rapide du syndrome infectieux initial.
Le Conseil d’État prononce donc l’annulation de l’arrêt attaqué car « la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis » précédemment.
L’affaire est renvoyée devant la même cour pour qu’une nouvelle appréciation de l’indemnisation soit effectuée conformément à la réalité des dates constatées par les experts.