Le Conseil d’État, par une décision rendue le 21 juillet 2025, se prononce sur un recours en rectification d’erreur matérielle dirigé contre une précédente décision souveraine. Un ancien agent public sollicitait la revalorisation d’une indemnité différentielle perçue suite à son intégration dans un corps de techniciens au sein de l’administration. Le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 26 décembre 2019, a partiellement fait droit à sa demande pour une période indemnitaire restreinte. La cour administrative d’appel de Bordeaux a ensuite étendu cette annulation par un arrêt du 8 novembre 2022, tout en rejetant le surplus des conclusions. Le requérant a formé un pourvoi en cassation que la haute juridiction a rejeté par une décision du 20 mars 2024. L’intéressé soutient désormais que cette dernière décision est entachée d’une erreur matérielle car les juges auraient omis de statuer sur un grief précis. Le litige porte sur l’admissibilité d’un moyen nouveau invoqué pour la première fois devant le juge de cassation pour contester le mode de calcul.
I. La rigueur procédurale du recours en rectification d’erreur matérielle
A. Le cadre juridique de la rectification des décisions souveraines
Le code de justice administrative encadre strictement la possibilité de corriger une décision juridictionnelle devenue définitive afin de préserver la sécurité juridique des litiges. L’article R. 833-1 dispose que : « Lorsqu’une décision d’une cour administrative d’appel ou du Conseil d’État est entachée d’une erreur matérielle susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ». Cette voie de droit exceptionnelle ne saurait constituer un nouvel appel ou une occasion de rediscuter l’appréciation juridique portée par les juges. L’erreur invoquée doit présenter un caractère purement objectif et matériel, tel qu’une pièce du dossier ignorée ou une contradiction flagrante dans les faits. La recevabilité de ce recours dépend ainsi de la démonstration d’une méprise commise par la juridiction dans la lecture même des éléments qui lui étaient soumis.
B. L’absence de carence dans l’examen des moyens soulevés
Le requérant reprochait au Conseil d’État de ne pas avoir répondu à un moyen relatif à l’échelon de référence servant de base au calcul de son indemnité. La décision du 21 juillet 2025 écarte ce grief en procédant à une relecture attentive des motifs adoptés lors de la précédente instance de cassation. La juridiction administrative relève qu’elle s’est effectivement prononcée sur l’argumentation présentée en jugeant le moyen inopérant en raison de sa nouveauté devant le juge du droit. Il ne peut y avoir d’omission de statuer dès lors que le juge a expressément mentionné le grief pour en justifier l’écartement procédural. Le recours en rectification ne permet pas de contester le bien-fondé de cette réponse mais seulement de vérifier si une réponse a bien été apportée. Le Conseil d’État constate ainsi que la décision initiale n’est entachée d’aucune faute de lecture des écritures produites par les parties à l’instance.
II. L’autorité de la chose jugée face à l’invocation de moyens nouveaux
A. L’irrecevabilité des prétentions formulées pour la première fois en cassation
La mission du juge de cassation consiste à vérifier la régularité juridique des arrêts rendus par les juges du fond sans réexaminer l’ensemble des faits. Le requérant ne pouvait donc « utilement faire valoir pour la première fois en cassation » un mode de calcul de son indemnité reposant sur des éléments factuels inédits. Cette règle interdit aux parties d’introduire devant la haute juridiction des arguments qui n’ont pas été soumis à l’appréciation des premiers juges ou de la cour. En l’espèce, la contestation portant sur le classement dans un groupe sommital spécifique n’avait pas été débattue lors des phases antérieures de la procédure. Le Conseil d’État rappelle par cette solution la fonction disciplinaire de la cassation qui s’exerce exclusivement sur le droit appliqué aux faits souverainement constatés. L’inopérance des moyens nouveaux garantit la cohérence du double degré de juridiction en évitant que le juge de cassation ne se transforme en juge du fond.
B. La préservation de la cohérence de la décision de justice initiale
Le rejet du recours en rectification confirme la validité de la décision rendue le 20 mars 2024 en validant le raisonnement juridique tenu précédemment par la juridiction. La décision commentée souligne que l’absence d’influence d’une erreur matérielle sur le jugement de l’affaire rend toute rectification impossible au sens du code de justice administrative. Puisque le moyen était intrinsèquement irrecevable devant le juge de cassation, son traitement procédural ne pouvait aboutir à une solution différente au fond du litige. La stabilité des décisions de la haute juridiction est ainsi assurée contre les tentatives de remise en cause des choix de qualification juridique opérés par les juges. Le recours est définitivement rejeté car le requérant n’établit aucune méprise matérielle ayant faussé le prononcé de la sentence juridictionnelle initiale relative à ses droits. Cette solution illustre la fermeté du juge administratif face aux recours qui tendent, sous couvert de rectification, à obtenir une révision du jugement.