5ème chambre du Conseil d’État, le 23 mai 2025, n°492602

Le Conseil d’État rend, le 23 mai 2025, une décision précisant les critères du dernier ressort lors d’une action indemnitaire engagée par plusieurs héritiers. Cette affaire interroge la qualification d’une demande de réparation pour un préjudice subi par une victime décédée, dont les droits sont transmis à ses ayants droit.

Deux sœurs sollicitent la condamnation d’un établissement public hospitalier suite à l’agression sexuelle subie par leur parente au cours d’une hospitalisation réalisée en janvier 2016. Par un jugement rendu le 2 mai 2023, le tribunal administratif de Paris rejette la demande indemnitaire globale de vingt mille euros formulée par les héritières.

Celles-ci introduisent un pourvoi transmis au Conseil d’État par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d’appel de Paris du 13 mars 2024. La haute juridiction doit déterminer si les prétentions de dix mille euros formulées par chaque sœur constituent deux demandes distinctes ou une demande unique.

Le Conseil d’État juge qu’il s’agit d’une demande unique de vingt mille euros, rendant le jugement contesté susceptible d’appel devant le juge du second degré. L’étude de cette solution conduit à analyser la qualification d’une demande unique avant d’examiner ses conséquences sur la détermination de la voie de recours.

I. La qualification d’une demande unique fondée sur la transmission successorale de l’action

A. L’exclusion du caractère personnel des préjudices invoqués par les ayants droit

Les requérantes agissent en qualité d’ayants droit afin d’obtenir réparation du préjudice moral subi par leur sœur, décédée quelques mois après les faits litigieux. Les juges soulignent que l’action « ne porte pas sur leur préjudice personnel respectif mais sur le préjudice subi par leur sœur décédée » au sein de l’hôpital. L’analyse repose sur la distinction fondamentale entre le préjudice propre des membres de la famille et le droit à réparation transmis par la victime initiale.

B. L’indivisibilité de la créance indemnitaire transmise aux héritiers

Le droit à réparation est « en vertu de l’article 724 du code civil, transmis à ses héritiers », ce qui fonde juridiquement l’unité de la créance litigieuse. Dès lors, la requête « ne peut être regardée comme deux demandes distinctes émanant de plusieurs demandeurs » au sens des dispositions du code de justice administrative. L’unicité de la cause juridique, à savoir le dommage corporel subi par la victime, impose de traiter l’ensemble des prétentions comme une seule et même demande.

II. La détermination de la voie de recours par le montant global du litige

A. Le dépassement du seuil de dispense d’appel par l’addition des sommes réclamées

Le montant total des indemnités réclamées s’élève à vingt mille euros, dépassant ainsi le plafond de dix mille euros fixé pour statuer en dernier ressort. La juridiction précise que l’action doit être qualifiée comme « une unique demande d’un montant de 20 000 euros » au regard des articles réglementaires applicables. En conséquence, le tribunal administratif n’était pas « au nombre des demandes sur lesquelles le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort » par ces dispositions.

B. La réaffirmation de la compétence de la juridiction d’appel de droit commun

Le Conseil d’État conclut que les conclusions « ont le caractère d’un appel qui relève de la compétence de la cour administrative d’appel de Paris ». Cette interprétation garantit l’accès au double degré de juridiction pour les litiges dont la valeur globale dépasse le seuil réglementaire de la dispense d’appel. Le dossier est renvoyé devant les juges du second degré de la capitale afin qu’ils se prononcent sur le bien-fondé de la demande indemnitaire présentée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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