Par une décision rendue le 3 juillet 2025, le Conseil d’État se prononce sur la légalité d’une sanction disciplinaire infligée à un haut fonctionnaire d’une administration centrale. L’affaire concerne un directeur ayant adopté un comportement inapproprié lors d’un déplacement professionnel en s’introduisant nu dans la chambre d’une subordonnée durant la nuit. L’autorité administrative a prononcé une exclusion temporaire de fonctions pour une durée d’un an, dont trois mois avec sursis, par un décret du 28 mai 2024. Le requérant sollicite l’annulation de cet acte ainsi que du rejet de son recours gracieux en invoquant notamment un vice de procédure lors de son audition administrative. Le litige soulève la question de l’application du droit de se taire en matière disciplinaire et de la proportionnalité de la sanction face à des manquements déontologiques graves. Le Conseil d’État rejette la requête en considérant que les garanties du droit au silence ne s’étendent pas aux enquêtes hiérarchiques menées au sein du service public. L’examen de cette décision invite à analyser d’abord l’absence d’extension des garanties pénales à la phase d’enquête administrative, avant d’étudier la sanction de manquements majeurs à l’exemplarité.
I. L’absence d’extension des garanties pénales à la phase d’enquête administrative disciplinaire
A. Le rejet du droit de se taire lors des auditions de l’inspection générale
Le requérant soutient qu’il aurait dû être informé de son droit de se taire avant son audition par les services de l’inspection générale chargés de l’enquête administrative. La Haute Juridiction écarte ce moyen en précisant qu’une « telle obligation ne s’applique cependant pas aux enquêtes et inspections diligentées par l’autorité hiérarchique ». Le juge administratif refuse ainsi d’importer dans la sphère disciplinaire une règle issue de la procédure pénale, même si l’enquête peut révéler des manquements professionnels graves. Cette exclusion se justifie par la nature propre de l’enquête administrative, laquelle vise avant tout à établir la réalité des faits au sein de l’organisation publique concernée.
B. La préservation de l’efficacité de l’enquête hiérarchique face aux exigences processuelles
La solution retenue préserve la célérité et l’efficacité des investigations internes nécessaires au maintien de l’ordre et de la discipline au sein des services de l’administration publique. La procédure est déclarée régulière car l’inspection ne revêt pas un caractère judiciaire, limitant ainsi l’extension de certaines garanties fondamentales aux seules enceintes de nature strictement répressive. L’absence de notification du droit au silence ne constitue pas un vice de procédure, garantissant ainsi à l’autorité disciplinaire la possibilité de fonder sa décision sur des éléments probants. Cette distinction nette entre le droit administratif et le droit pénal renforce la spécificité du statut de la fonction publique et des obligations déontologiques qui en découlent.
L’analyse de la régularité procédurale étant achevée, il convient de se pencher sur le bien-fondé de la sanction au regard de la gravité des faits reprochés à l’agent.
II. La sanction d’un manquement majeur aux obligations d’exemplarité et de protection des subordonnés
A. La qualification juridique de faute grave tirée d’un comportement indigne et déloyal
Les faits reprochés révèlent que l’agent s’est présenté nu dans la chambre d’une subordonnée et a refusé de quitter les lieux malgré les protestations de la victime. Le Conseil d’État valide la qualification de « grave manque de discernement » et de manquement aux « obligations de protection de ses subordonnés, d’exemplarité, de dignité et de loyauté ». L’autorité disciplinaire souligne également la tentative de l’agent d’étouffer l’affaire le lendemain en demandant à sa subordonnée de ne pas ébruiter les événements survenus durant la nuit. Le comportement ultérieur de l’intéressé, cherchant à échapper à ses responsabilités professionnelles, aggrave la faute commise et justifie une réponse disciplinaire ferme de la part du juge.
B. La validation d’une exclusion temporaire proportionnée aux responsabilités de l’agent public
La sanction d’exclusion temporaire d’un an est jugée proportionnée au regard de l’exigence toute particulière d’exemplarité pesant sur un directeur au sein d’une haute administration centrale. Le juge administratif exerce un contrôle normal sur la proportionnalité de la mesure et estime que les fautes commises justifient un éloignement significatif du service public. L’absence d’intention sexuelle alléguée par le requérant ne suffit pas à atténuer la gravité de l’atteinte portée à la dignité des fonctions et à la sécurité d’autrui. Cette décision confirme la sévérité du juge administratif envers les cadres supérieurs dont les agissements nuisent gravement à l’image et au bon fonctionnement de l’institution publique.