Par une décision du 16 juin 2025, le Conseil d’État précise les obligations du pétitionnaire lors du porter-à-connaissance pour la remise en eau d’un ouvrage. Cette affaire concerne un moulin fondé en titre dont le propriétaire souhaitait la remise en exploitation après une période d’arrêt manifestement très prolongée. Le préfet a refusé d’édicter les prescriptions nécessaires, jugeant le dossier de présentation insuffisamment documenté concernant l’accès à l’eau de l’installation hydraulique. Saisi en première instance, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté le 10 juin 2021 la demande indemnitaire formulée par la société propriétaire de l’ouvrage. La cour administrative d’appel de Versailles a cependant infirmé ce jugement le 7 juillet 2023, retenant une faute de l’administration dans l’exercice de sa police. Le ministre a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt ayant reconnu la responsabilité pécuniaire de la puissance publique pour refus d’arrêté. La question posée est de savoir si l’administration peut légalement exiger l’accord préalable de tiers gestionnaires d’ouvrages annexes pour autoriser une remise en eau. La haute juridiction administrative annule l’arrêt d’appel car le dossier doit permettre au préfet d’exercer ses missions de police avant d’écarter la clause de réserve des tiers.
I. L’exigence de complétude du dossier pour l’exercice des missions de police
A. La fourniture d’informations proportionnées aux impacts prévisibles du projet Le Conseil d’État rappelle que les installations hydrauliques autorisées avant 1919 doivent faire l’objet d’un porter-à-connaissance préalable à toute remise en exploitation effective. Selon les dispositions du code de l’environnement, le pétitionnaire doit fournir à l’administration tous les éléments d’appréciation nécessaires à la compréhension de son projet. « Le détail et la précision des informations apportées sont proportionnés aux impacts prévisibles et aux enjeux du cours d’eau » selon la réglementation technique applicable. En l’espèce, le dossier présenté par le propriétaire s’avérait lacunaire quant aux modalités techniques réelles permettant l’alimentation en eau du bief du moulin. Le juge administratif considère que l’absence d’éléments concrets sur la manipulation des vannes empêche l’administration d’évaluer correctement les conséquences environnementales de l’opération.
B. La garantie impérative de la continuité écologique du cours d’eau L’autorité préfectorale doit s’assurer que les informations transmises permettent d’exercer les pouvoirs de police destinés à protéger le milieu aquatique et ses écosystèmes. La décision souligne qu’ « il appartient au préfet de s’assurer que les informations que comporte le dossier lui permettent d’exercer les pouvoirs de police ». Cette mission vise spécifiquement à garantir « la continuité écologique du cours d’eau » ainsi que « le libre écoulement des eaux » conformément aux objectifs législatifs. Le refus de délivrer des prescriptions complémentaires est justifié lorsque l’administration ne peut pas mesurer l’incidence du projet sur la gestion globale de l’eau. Une connaissance précise des débits et des interventions techniques constitue donc un préalable indispensable justifiant l’écartement des arguments fondés sur la seule réserve des tiers.
II. L’inefficience de la clause de réserve des tiers devant l’obstacle technique
A. L’erreur d’interprétation commise par la cour administrative d’appel La cour administrative d’appel de Versailles avait estimé que l’absence d’accords de tiers ne pouvait légalement justifier le refus de fixer des prescriptions complémentaires. Les juges d’appel s’appuyaient sur le principe classique selon lequel les autorisations de police de l’eau sont toujours délivrées « sous réserve des droits des tiers ». Cette règle signifie que l’administration n’a pas à trancher les litiges de droit privé ou les questions de propriété lors de l’instruction. Le Conseil d’État censure ce raisonnement en soulignant que la manipulation d’ouvrages appartenant à une commune est une condition technique de la remise en eau. L’impossibilité matérielle d’alimenter le moulin sans l’intervention d’un tiers gestionnaire rend l’exercice de la police environnementale totalement illusoire en l’absence d’engagements.
B. La subordination de la remise en eau aux engagements des tiers gestionnaires L’arrêt attaqué est annulé car la cour n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations de fait concernant les nécessités opérationnelles du projet. Puisque l’alimentation nécessite la manipulation de vannes dépendant d’une collectivité publique, le préfet ne pouvait fixer de prescriptions sans disposer des engagements de celle-ci. Le juge de cassation exige désormais que le dossier de porter-à-connaissance intègre les preuves de la faisabilité technique de l’opération projetée par le pétitionnaire. Cette solution renforce la sécurité juridique en évitant l’édiction de règlements d’eau inapplicables ou dangereux pour l’équilibre des cours d’eau non domaniaux. La décision confirme ainsi que l’efficacité de la police de l’eau prime sur la simple facilitation administrative de la remise en service d’ouvrages.