Par une décision rendue le 29 janvier 2025, le Conseil d’État s’est prononcé sur la légalité d’un acte réglementaire procédant à d’importantes annulations de crédits budgétaires. Un décret du 21 février 2024 a annulé des crédits pour prévenir la dégradation de l’équilibre financier prévue par la loi de finances initiale. Plusieurs requérants ont formé un recours pour excès de pouvoir contre cette mesure jugée attentatoire aux prérogatives législatives et aux procédures organiques.
Le Conseil d’État a joint ces quatre requêtes tendant à l’annulation du texte litigieux afin de statuer par une seule et unique décision juridictionnelle. La haute juridiction devait déterminer si le Gouvernement peut légalement amputer les budgets votés sans méconnaître les procédures organiques ni le principe de séparation des pouvoirs. Les juges ont rejeté l’ensemble des requêtes en estimant que les conditions fixées par la loi organique du 1er août 2001 avaient été respectées. La régularité de la procédure suivie par l’exécutif sera d’abord examinée avant d’analyser l’étendue du contrôle restreint exercé par le juge sur l’opportunité budgétaire.
**I. La validation d’une procédure réglementaire encadrée par la loi organique**
**A. Le respect des obligations d’information et de publicité**
L’article 14 de la loi organique prévoit une transmission préalable aux commissions parlementaires qui constitue une simple formalité informative exempte de toute consultation pour avis. « La circonstance que celle-ci n’ait eu lieu que quelques heures avant la publication » ne saurait dès lors entacher la légalité de la procédure suivie par l’exécutif. De même, le rapport motivé du ministre peut intervenir le lendemain de la publication du décret sans méconnaître les exigences de publicité de l’article 56. Ces garanties procédurales assurent la transparence nécessaire sans pour autant entraver la célérité de l’action gouvernementale en matière de gestion des finances publiques.
**B. L’exclusion de consultations préalables obligatoires**
La haute assemblée précise qu’un décret d’annulation ne constitue pas un acte devant être soumis à l’avis du Conseil d’État selon la loi organique. En outre, l’annulation de crédits d’une mission environnementale ne présente pas une incidence directe et significative sur l’environnement au sens du code de l’environnement. Dès lors, aucune consultation du public ou fiche d’impact spécifique n’était requise pour valider la régularité externe de cet acte de nature purement comptable. L’exécutif dispose d’une autonomie procédurale étendue tant qu’il respecte les seuils et les transmissions fixés explicitement par le texte organique fondamental de l’État.
La validité de la forme étant établie, il convient d’aborder la question du contrôle du juge administratif sur les choix économiques du Gouvernement.
**II. Un contrôle juridictionnel limité par la séparation des pouvoirs**
**A. L’inopérance des moyens relatifs aux choix de politique publique**
Le juge administratif refuse de contrôler « le choix des pouvoirs publics du montant global des crédits devant être annulés » pour préserver l’équilibre financier global. La répartition des annulations entre les différentes politiques publiques relève de l’opportunité gouvernementale et échappe par nature au contrôle de l’erreur d’appréciation. Par ailleurs, le principe de sincérité budgétaire s’applique exclusivement aux lois de finances et ne peut être utilement invoqué contre un simple décret d’exécution. Cette solution protège la sphère de décision politique contre une immixtion du juge qui ne saurait substituer son appréciation à celle de l’autorité réglementaire.
**B. La vérification matérielle des conditions de l’annulation organique**
Le Conseil d’État contrôle néanmoins le respect du seuil de 1,5 % des crédits ouverts calculé sur l’ensemble des budgets et comptes de l’État. Les magistrats valident également la réalité de la détérioration économique invoquée en se fondant sur la dégradation des perspectives de croissance et des recettes fiscales. « L’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances » peut être sauvegardé par ces mesures préventives dès l’apparition de risques financiers sérieux et documentés. Cette décision confirme la robustesse du pouvoir réglementaire de gestion budgétaire face aux critiques fondées sur une lecture extensive des prérogatives financières du Parlement.