Le Conseil d’État, par sa décision du 3 mars 2025, statue sur la légalité de l’interdiction des signes distinctifs sur la robe d’avocat. L’autorité nationale représentative de la profession avait modifié son règlement intérieur le 7 septembre 2023 afin d’y insérer cette nouvelle prohibition. Un syndicat professionnel a sollicité l’annulation de cette disposition pour excès de pouvoir devant la haute juridiction administrative. Le requérant invoquait notamment l’incompétence de l’auteur de l’acte et une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales des praticiens. La question posée aux juges était de savoir si l’obligation légale du port du costume professionnel permettait d’interdire tout ajout individuel. La juridiction rejette le recours en validant la compétence de l’autorité et la conformité de la mesure aux exigences du service public.
I. La validation de la compétence réglementaire par l’interprétation législative
A. Le caractère exclusif et uniforme du costume professionnel
L’arrêt souligne que le costume des auxiliaires de justice constitue un habit uniforme régi par des cadres législatifs et réglementaires anciens. La haute juridiction affirme que « le législateur, en imposant le port d’un même habit uniforme (…) par tous les avocats (…) a entendu exclure le port de signes distinctifs ». Cette interprétation stricte de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 prive la tenue de toute possibilité de personnalisation. La toge n’est pas un simple vêtement professionnel mais un symbole d’appartenance à un corps judiciaire indivisible. L’absence de mention explicite de l’interdiction dans le texte initial n’empêche pas de déduire une volonté d’uniformité absolue.
B. L’exercice d’un pouvoir de précision des règles déontologiques
L’autorité nationale dispose d’une mission légale d’unification des règles et usages professionnels dans le respect des cadres législatifs supérieurs. Les juges considèrent que l’organisme « s’est borné à préciser les modalités d’application » de la loi sans introduire de prescriptions réellement nouvelles. Cette qualification juridique écarte le grief d’incompétence car l’acte contesté ne crée pas une règle autonome de restriction des libertés. La décision administrative tire simplement les conséquences nécessaires d’une norme déjà en vigueur depuis plusieurs décennies. Le pouvoir réglementaire professionnel s’exerce ici dans un cadre purement interprétatif et technique.
II. La conciliation proportionnée des libertés avec les nécessités du service public
A. L’objectif de neutralité et d’égalité entre les justiciables
Le port de la robe répond à un objectif impérieux d’identification des acteurs concourant au fonctionnement régulier de la justice. Cette uniformité permet d’éviter que les praticiens « n’affichent par leur apparence de préférences personnelles sans rapport avec la défense des intérêts de leur client ». L’effacement des particularismes individuels garantit la neutralité apparente nécessaire à la sérénité des débats devant les juridictions. L’égalité des justiciables se trouve ainsi préservée par l’image d’impartialité que renvoie chaque auxiliaire de justice durant son ministère. Cette exigence de sobriété visuelle participe directement à la confiance du public envers l’institution judiciaire.
B. La restriction légitime des manifestations de convictions personnelles
La restriction apportée à la liberté de conscience et d’expression apparaît justifiée par la protection des droits et libertés d’autrui. Le Conseil d’État estime que l’obligation de neutralité « poursuit dès lors un but légitime et est proportionnée à ce but » au regard des conventions internationales. Le droit à un procès équitable impose que les parties ne perçoivent aucun signe de partialité idéologique chez les défenseurs. La limitation du champ d’application de l’interdiction au seul exercice des fonctions judiciaires renforce son caractère raisonnable. La solution consacre ainsi la prééminence des principes du service public sur les convictions privées des membres du barreau.