6ème chambre du Conseil d’État, le 10 février 2025, n°488718

La décision du Conseil d’État du 10 février 2025 précise les conditions de classement des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts au sein du droit de l’environnement. Le ministre de la Transition écologique a adopté un arrêté le 3 août 2023 déterminant la liste triennale des espèces concernées par des mesures de destruction. Des associations locales de chasseurs ont alors sollicité l’annulation partielle de cet acte pour n’avoir pas intégré certaines espèces ou autorisé des modes de chasse. Elles soutenaient que le refus de classer la pie, la martre ou la fouine procédait d’une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité compétente. La haute juridiction administrative rejette l’ensemble de ces recours en confirmant la validité du choix ministériel pour chaque territoire contesté par les requérantes. Le Conseil d’État devait déterminer si l’absence de classement d’une espèce indigène repose sur une appréciation exacte de sa présence et des dommages causés. La solution retenue par le juge administratif s’appuie sur une application rigoureuse des critères légaux encadrant la liste des espèces nuisibles sur le territoire national.

I. La rigueur des conditions de classement des espèces animales indigènes

A. Une présence territoriale nécessairement significative et documentée

L’article R. 427-6 du code de l’environnement impose au ministre chargé de la chasse une évaluation précise de la situation biologique avant tout classement réglementaire. Le juge administratif rappelle qu’une espèce doit être « répandue de façon significative » dans le périmètre géographique considéré pour faire l’objet d’une liste triennale. Cette exigence de densité démographique constitue le premier pilier nécessaire à la mise en œuvre des modalités de destruction prévues par le droit positif. L’appréciation de cette présence s’effectue au regard des caractéristiques géographiques et humaines propres à chaque zone pour garantir une régulation proportionnée de la biodiversité. La simple existence de l’animal sur un territoire ne suffit pas à justifier son inscription automatique sur la liste des espèces occasionnant des dégâts.

B. La subordination du classement à la preuve d’atteintes aux intérêts protégés

L’autorité administrative peut décider du classement lorsqu’il est établi que l’espèce est « à l’origine d’atteintes significatives aux intérêts protégés » par la législation en vigueur. Ces intérêts concernent notamment la santé publique, la protection de la flore et les dommages causés aux activités agricoles, forestières ou encore aquacoles. Le Conseil d’État exerce un contrôle sur la réalité de ces atteintes pour éviter toute destruction arbitraire d’animaux indigènes non protégés par la loi. La preuve de la nuisance doit reposer sur des éléments matériels précis figurant au dossier au moment de l’adoption de l’acte administratif contesté. Cette exigence probatoire protège l’équilibre entre la préservation des écosystèmes et la protection des activités économiques ou des formes de propriété privées.

II. L’exercice du contrôle juridictionnel sur l’opportunité du classement ministériel

A. L’absence d’erreur d’appréciation concernant la faune aviaire et les mustélidés

Les organisations requérantes échouent à démontrer que la pie bavarde ou les mustélidés causent des préjudices réels dans les secteurs géographiques mentionnés par les recours. Le juge relève qu’il « ne ressort pas des pièces des dossiers » que ces espèces soient répandues ou nuisibles de manière suffisamment caractérisée. L’absence d’inscription de la martre ou de la fouine sur la liste nationale ne constitue donc pas une erreur d’appréciation de l’autorité ministérielle. Le refus de classement est validé dès lors que les rapports techniques ne corroborent pas les prétentions des fédérations sur l’ampleur des dommages. Cette solution confirme la souveraineté de l’administration dans la gestion des populations animales lorsque les preuves scientifiques et statistiques font défaut au dossier.

B. La protection de la faune sauvage face aux modalités de destruction contestées

La haute juridiction aborde la régulation du renard en confirmant l’interdiction de la vénerie sous terre au sein de certains périmètres administratifs par le ministre. Le juge considère que cette modalité de destruction n’était pas « nécessaire à la bonne régulation de l’espèce » au regard des circonstances locales de l’affaire. L’autorité préfectorale n’avait d’ailleurs pas proposé ce mode d’intervention lors de la procédure d’élaboration de l’arrêté fixant les conditions de destruction des animaux. Cette approche témoigne d’une volonté de limiter les techniques de chasse les plus intrusives lorsque des méthodes alternatives permettent d’assurer le maintien des équilibres naturels. Le Conseil d’État valide ainsi une gestion différenciée du territoire en fonction des besoins locaux et de la nécessité réelle d’intervention sur la faune.

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Hassan KOHEN
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