Le Conseil d’État, par une décision rendue le 4 août 2025, se prononce sur la légalité des refus opposés à une candidate aux concours professionnels de la magistrature. Cette affaire s’inscrit dans le cadre de la réforme des voies d’accès au corps judiciaire issue de la loi organique du 20 novembre 2023.
La requérante a sollicité son admission aux concours de recrutement pour les premier et second grades de la hiérarchie judiciaire. L’autorité administrative a rejeté ses demandes au motif que son parcours ne justifiait pas d’une expérience qualifiant particulièrement pour l’exercice des fonctions de juge.
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif a d’abord ordonné la suspension de l’un des refus par une ordonnance de référé. La candidate a ainsi pu participer aux premières épreuves avant que la haute juridiction ne statue définitivement sur le fond du litige.
La question posée aux juges consistait à déterminer si des fonctions de direction au sein d’organismes à vocation sociale répondent aux exigences statutaires de qualification. Le Conseil d’État devait également préciser l’étendue de son contrôle sur l’appréciation portée par l’administration sur les mérites professionnels des candidats.
L’analyse de cette décision suppose d’examiner l’étendue du contrôle sur les critères de recrutement (I) puis d’étudier l’application concrète de ces exigences aux candidatures (II).
I. Le contrôle restreint de l’expérience professionnelle qualifiante
A. La consécration d’un pouvoir d’appréciation de l’administration
Le juge administratif reconnaît expressément que « l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer si l’expérience professionnelle d’un candidat le qualifie particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires ». Cette marge de manœuvre permet à l’autorité publique de sélectionner les profils les plus adaptés aux spécificités du métier de magistrat.
Cette prérogative se justifie par la nécessité de garantir la compétence technique et éthique des futurs membres du corps judiciaire. L’appréciation porte non seulement sur les connaissances juridiques mais aussi sur les capacités d’analyse et de décision acquises durant le parcours professionnel antérieur.
B. L’encadrement juridictionnel de l’aptitude aux fonctions judiciaires
Le Conseil d’État précise que les conditions d’accès doivent être « strictement appréciées » afin de « garantir la qualité des décisions rendues » et le bon fonctionnement du service public. Cette exigence de rigueur assure l’égalité devant la justice en vérifiant l’aptitude concrète des candidats à assumer la charge de juger.
Le contrôle juridictionnel s’exerce ici sur l’erreur d’appréciation commise par l’administration lors de l’examen individuel des dossiers de candidature. Le juge vérifie si les éléments factuels fournis par le postulant permettent raisonnablement de conclure à une qualification suffisante au regard des textes organiques.
II. L’application contrastée du critère de qualification particulière
A. La censure de l’erreur d’appréciation pour le second grade
Pour le recrutement au second grade, le Conseil d’État relève que la candidate justifiait de responsabilités opérationnelles de haut niveau dans des contextes institutionnels complexes. Ces fonctions ont permis de développer « une polyvalence et une grande capacité d’adaptation » directement transposables aux exigences des fonctions judiciaires.
Le juge estime que l’expérience acquise dans le droit humanitaire et le droit des réfugiés offre des garanties suffisantes de compétence juridique. En refusant l’accès au concours malgré ce profil solide, l’autorité administrative a donc entaché sa décision d’une erreur manifeste qu’il convient de sanctionner.
B. La validation du refus ministériel relatif au premier grade
S’agissant du premier grade, la loi impose une durée minimale de quinze années d’exercice professionnel dans des domaines spécifiques. Le Conseil d’État considère que certaines des activités invoquées par l’intéressée ne présentaient pas un caractère suffisamment qualifiant pour atteindre ce seuil de recrutement supérieur.
La décision souligne que l’autorité publique n’a pas méconnu le principe d’égalité en refusant l’admission pour ce niveau de grade. La requérante ne peut utilement invoquer des précédents issus d’anciennes procédures de recrutement pour contester la légalité de la décision souveraine de l’administration.