6ème chambre du Conseil d’État, le 7 juillet 2025, n°488730

Le Conseil d’État a rendu une décision le 7 juillet 2025 concernant la classification des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts au regard du droit européen. Un arrêté ministériel du 3 août 2023 avait fixé la liste des animaux nuisibles sans y inclure le putois pour un département du nord de la France. Une organisation de chasseurs a alors saisi la haute juridiction administrative pour obtenir l’annulation partielle de cet acte réglementaire en raison de cette omission. Les requérants soutenaient que les dommages causés par cette espèce justifiaient son classement selon les critères définis par le code de l’environnement français. Le juge administratif devait déterminer si l’état de conservation défavorable d’une espèce inscrite à l’annexe V de la directive européenne prévalait sur les besoins de régulation locale. La juridiction rejette la requête en considérant que l’absence de maintien de l’espèce dans un état favorable interdit son classement parmi les animaux destructibles. Cette solution sera analysée à travers l’articulation des normes environnementales (I) avant d’envisager les conséquences de l’état de conservation sur la légalité de l’arrêté (II).

I. L’articulation des normes nationales de destruction et des exigences européennes de conservation

A. Le cadre juridique du classement des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts

L’article R. 427-6 du code de l’environnement permet au ministre chargé de la chasse de désigner les animaux dont la destruction est autorisée sous certaines conditions. Le ministre peut inscrire une espèce lorsqu’elle est « répandue de façon significative » et que sa présence porte atteinte aux intérêts agricoles ou à la sécurité publique. Cette prérogative administrative vise à prévenir les dommages importants aux activités humaines ou à protéger la flore et la faune locales selon des critères précis. Toutefois, ce pouvoir de classement est strictement encadré par des dispositions législatives interdisant la capture des espèces protégées en vertu de l’article L. 411-1.

B. L’influence déterminante de la directive européenne sur les prélèvements nationaux

Le Conseil d’État rappelle que les mesures prises en vertu de la directive 92/43/CEE visent à assurer « le maintien ou le rétablissement » de la biodiversité. L’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne précise que les prélèvements doivent rester « compatibles avec leur maintien dans un état de conservation favorable ». Cette exigence s’applique particulièrement aux spécimens figurant à l’annexe V, dont l’exploitation peut faire l’objet de mesures de gestion par les États membres. Le juge administratif intègre ainsi pleinement le droit de l’Union européenne dans le contrôle de la légalité des actes réglementaires relatifs à la chasse.

II. La validation du refus de classement motivée par l’état de conservation précaire de l’espèce

A. L’opposabilité de l’état de conservation défavorable constaté au niveau national

Dans cette affaire, il est établi que le putois se trouve dans un « état de conservation défavorable au niveau du territoire national » selon les pièces produites. Le Conseil d’État considère que cette situation biologique précaire fait obstacle à toute mesure de destruction systématique, même pour prévenir d’éventuels dégâts locaux. La protection de l’intérêt communautaire prime alors sur les revendications professionnelles fondées sur les caractéristiques géographiques et économiques propres au département concerné par la demande. L’absence de données favorables sur la surveillance des habitats naturels interdit au ministre d’autoriser une exploitation qui aggraverait le déclin de la population animale.

B. Le contrôle restreint de l’erreur d’appréciation commise par l’autorité ministérielle

La juridiction conclut que le ministre n’a commis aucune erreur d’appréciation en s’abstenant d’inscrire l’animal sur la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. Le rejet de la requête confirme la volonté du juge de sanctionner strictement les atteintes portées aux espèces dont la survie n’est pas durablement assurée. Cette décision témoigne d’une application rigoureuse du principe de précaution environnementale, limitant ainsi la liberté d’action des autorités nationales face aux obligations de conservation. Les frais de procédure restent donc à la charge de l’organisation requérante, dont les prétentions se heurtaient frontalement aux impératifs de protection de la biodiversité.

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Hassan KOHEN
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