Par une décision rendue le 28 mai 2025, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative au code général de la fonction publique. L’affaire trouve son origine dans le refus de renouvellement du contrat de travail d’un agent public ayant exercé ses fonctions auprès d’un département ministériel. La requérante a formé un pourvoi contre une ordonnance du 16 janvier 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête. A l’appui de ce recours, elle soutient que les dispositions de l’article L. 332-4 du code précité méconnaissent le principe d’égalité devant la loi. Le litige porte spécifiquement sur l’exclusion des services effectués pour faire face à une vacance temporaire d’emploi du calcul de l’ancienneté nécessaire au contrat permanent. La haute juridiction administrative a jugé que ce moyen soulevait une question présentant un caractère sérieux et a ordonné le renvoi au Conseil constitutionnel. Ce commentaire examinera d’abord la reconnaissance du caractère sérieux de la question avant d’analyser les conséquences de ce renvoi pour le statut des agents contractuels.
I. La reconnaissance d’un caractère sérieux au grief d’inégalité de traitement
A. L’exclusion législative des services accomplis sur emploi vacant
L’article L. 332-4 du code général de la fonction publique énumère limitativement les services pris en compte pour l’obtention d’un contrat de travail à durée indéterminée. Le législateur a omis d’inclure les périodes effectuées sous le régime de l’article L. 332-7, destiné à pallier une vacance temporaire dans l’attente d’un titulaire. Cette exclusion prive certains agents de la possibilité de comptabiliser la totalité de leur expérience professionnelle acquise au sein de la même autorité administrative employeuse. La requérante fait valoir que cette distinction crée une différence de traitement injustifiée entre des personnels exerçant pourtant des fonctions de catégorie hiérarchique identique.
B. L’identification d’une discrimination potentielle entre agents contractuels
Le Conseil d’Etat rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations juridiques différentes. Toutefois, la différence de traitement qui en résulte doit être « en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » selon les termes employés. En l’espèce, la juridiction estime que le grief tiré de l’atteinte à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est fondé. La question de savoir si la nature du besoin ayant justifié le recrutement autorise une telle disparité dans l’accès à la stabilité d’emploi est posée.
II. Le renvoi au Conseil constitutionnel et la protection des droits fondamentaux
A. Le respect des conditions procédurales de l’ordonnance de 1958
La transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité est subordonnée à une triple condition de recevabilité prévue par l’ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958. Les juges du Palais-Royal ont vérifié que la disposition contestée était applicable au litige et n’avait pas déjà fait l’objet d’une déclaration de conformité. L’ordonnance du 24 novembre 2021 n’ayant pas été ratifiée, ses dispositions relèvent désormais du domaine de la loi en raison de l’expiration du délai d’habilitation. Cette analyse permet d’écarter toute irrecevabilité technique et de saisir le juge constitutionnel afin qu’il se prononce sur le fond du droit de la fonction publique.
B. La portée du contrôle de constitutionnalité sur la stabilité de l’emploi
La décision du Conseil constitutionnel aura une incidence majeure sur les conditions de pérennisation des agents contractuels travaillant pour le compte d’une personne publique. Si l’inconstitutionnalité est prononcée, le législateur devra modifier le code pour intégrer les périodes de vacance temporaire dans le calcul de la durée de six ans. Cette évolution garantirait une meilleure protection des droits des agents face à la précarité en favorisant la transformation automatique de leurs engagements contractuels en contrats permanents. Dans l’attente de cette réponse, le Conseil d’Etat a sagement décidé qu’il « est sursis à statuer sur le pourvoi » jusqu’au terme de cet examen constitutionnel.