Par une décision rendue le 12 mai 2025, le Conseil d’État précise les conditions d’admission d’un pourvoi relatif au règlement financier d’un marché public de travaux.
Un groupement de sociétés a sollicité la condamnation d’un syndicat intercommunal au paiement d’intérêts moratoires et de compléments de prix pour la construction d’un réseau de transport. Le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à cette demande par un jugement prononcé le 19 mars 2019 en condamnant l’établissement public de coopération. La cour administrative d’appel de Douai a annulé cette décision le 1er juin 2021 avant que le Conseil d’État ne prononce une première cassation le 19 mai 2022. La juridiction de renvoi a réformé le jugement initial le 4 juin 2024 en fixant les sommes dues et en statuant sur la garantie appelée contre le maître d’œuvre. Le syndicat intercommunal se pourvoit à nouveau en cassation en invoquant des erreurs de droit portant sur le régime des acomptes, les intérêts moratoires et la prescription. La question posée à la Haute Juridiction porte sur le caractère sérieux des moyens soulevés contre un arrêt statuant sur l’exécution financière et la prescription d’une créance. Le Conseil d’État décide que seuls les griefs dirigés contre l’arrêt attaqué « en tant qu’il s’est prononcé sur les intérêts moratoires complémentaires » justifient l’admission de la requête.
I. La délimitation stricte de l’admission du pourvoi en cassation
A. L’éviction des moyens relatifs aux modalités de paiement des acomptes
Le requérant soutenait que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en jugeant recevable la demande de paiement d’intérêts pour des états d’acompte sans réserves. Il prétendait également que les juges du fond avaient dénaturé les pièces du dossier concernant le point de départ du délai de paiement de trente jours. Le Conseil d’État écarte ces arguments en considérant qu’aucun de ces moyens « n’est de nature à en permettre l’admission » en application du code de justice administrative. Les règles relatives à la complétude des demandes d’acompte et au déclenchement des intérêts moratoires contractuels ne présentent ainsi pas de difficulté juridique sérieuse justifiant un examen. Cette solution confirme la souveraineté des juges du fond dans l’interprétation des clauses financières du marché et dans l’appréciation des pièces justificatives produites par le titulaire.
B. La reconnaissance d’une interrogation sérieuse sur les intérêts complémentaires
Le Conseil d’État admet les conclusions du pourvoi uniquement pour la partie de l’arrêt portant sur les intérêts moratoires complémentaires prévus par le décret du 21 février 2002. Le syndicat reprochait à la cour d’avoir écarté l’application de la prescription quadriennale à ces sommes dues au titre du retard dans l’exécution du contrat public. Cette question présente un caractère sérieux car elle touche à l’ordre public financier et à l’articulation entre le droit des marchés publics et la loi de 1968. En limitant l’admission, la Haute Juridiction circonscrit le débat futur à la seule légalité du calcul et de l’exigibilité de ces intérêts accessoires à la créance principale. Le litige est ainsi scindé pour ne permettre la discussion que sur le point de droit dont la solution paraît incertaine ou susceptible de faire évoluer la jurisprudence.
II. La préservation de la stabilité des décomptes et de l’encadrement des intérêts
A. La confirmation du régime de déclenchement du délai de mandatement
En refusant d’admettre le moyen relatif au délai de paiement, le Conseil d’État valide implicitement le raisonnement tenu par la cour administrative d’appel de Douai. Les juges d’appel avaient estimé que le délai de trente jours courait à compter de la réception de la demande par le maître d’œuvre, indépendamment de sa date réelle. Cette position protège le titulaire du marché contre les retards administratifs internes au groupement de commande ou aux intervenants extérieurs chargés du contrôle des travaux réalisés. Le syndicat intercommunal ne peut plus contester la recevabilité de la demande de paiement d’intérêts pour les acomptes mensuels notifiés par ordre de service sans réserves préalables. La stabilité des relations contractuelles impose que les contestations relatives au calcul du temps de paiement soient tranchées définitivement lors de la phase d’appel sauf erreur grossière.
B. L’inopposabilité partielle des moyens de fond invoqués au pourvoi
Le Conseil d’État rejette les griefs portant sur le taux d’intérêt moratoire applicable et sur l’inclusion des sommes du compte prorata dans le champ de l’indemnisation contractuelle. Le pourvoi affirmait que le taux égal à celui de la banque centrale européenne majoré de neuf points constituait une application erronée des textes en vigueur. Toutefois, l’admission partielle interdit désormais de remettre en cause ces aspects de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai qui acquièrent une autorité relative. La décision rendue par les juges de cassation simplifie l’issue du litige en écartant les discussions techniques sur la nature des frais de sécurité ou d’organisation du chantier. La procédure préalable d’admission remplit ici sa fonction de filtre pour concentrer les moyens de l’instance sur la seule question de la prescription des intérêts complémentaires.