7ème chambre du Conseil d’État, le 25 février 2025, n°495992

La décision rendue le 25 février 2025 par le Conseil d’État sous la référence 495992 précise les conditions d’application du principe d’égalité entre les corps de fonctionnaires. Une organisation professionnelle a demandé la revalorisation de plusieurs primes au profit de professeurs exerçant au sein d’établissements publics nationaux à caractère administratif spécialisés. L’autorité administrative compétente a opposé un refus implicite à ces demandes de revalorisation et de création de nouvelles indemnités équivalentes à celles de l’administration scolaire. Le requérant a saisi la juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de ces décisions de rejet nées le 3 juillet 2024. La question posée consistait à déterminer si l’absence de parité indemnitaire entre des corps de fonctionnaires distincts méconnaît le principe constitutionnel d’égalité de traitement des agents. Le juge rejette la requête en considérant que l’égalité s’apprécie prioritairement entre les agents appartenant à un même corps ou à un même cadre d’emplois. Cette solution repose sur l’affirmation de l’autonomie statutaire des corps de fonctionnaires (I), entraînant l’inefficacité des griefs fondés sur la comparaison entre des régimes distincts (II).

I. L’affirmation de l’autonomie statutaire des corps de fonctionnaires

A. Le cadre de référence restreint du principe d’égalité La juridiction administrative rappelle que le principe d’égalité impose de traiter de manière identique des agents se trouvant dans une situation juridique rigoureusement semblable. Le juge précise que « le principe d’égalité n’est en principe susceptible de s’appliquer qu’entre les agents appartenant à un même corps » de fonctionnaires de l’État. Cette interprétation limite la portée du contrôle juridictionnel en interdisant toute comparaison directe entre des personnels relevant de statuts particuliers et d’employeurs publics différents. L’appartenance à un corps distinct constitue une différence de situation objective justifiant légalement une disparité de traitement en matière de rémunération ou d’avantages indemnitaires.

B. La faculté de différenciation reconnue au pouvoir réglementaire L’autorité investie du pouvoir réglementaire dispose d’une marge d’appréciation pour organiser les services publics et fixer les conditions de rémunération des agents publics. Le juge souligne que l’égalité « ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes » par intérêt général. Cette différenciation ne doit pas être « manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier » selon l’analyse rigoureuse opérée par la juridiction administrative. En l’espèce, la distinction entre les corps de professeurs des instituts spécialisés et ceux de l’administration scolaire ne présente aucun caractère disproportionné ou manifestement arbitraire. Cette reconnaissance de la diversité statutaire rend inopérante la contestation des écarts de rémunération constatés entre des catégories professionnelles que rien ne lie sur le plan juridique.

II. L’impossibilité d’une comparaison avec les régimes indemnitaires de l’administration scolaire

A. L’étanchéité juridique entre des régimes indemnitaires spécifiques L’organisation soutenait que la revalorisation de l’indemnité de suivi des élèves devait bénéficier identiquement aux professeurs des instituts spécialisés et aux enseignants de l’éducation nationale. Le Conseil d’État constate que les textes régissant ces deux catégories prévoient des indemnités de nature « distincte » malgré une finalité professionnelle qui semble pourtant identique. Dès lors, l’organisation syndicale « ne peut utilement soutenir » que le principe d’égalité a été méconnu au motif que l’indemnité perçue n’a pas été revalorisée identiquement. La spécificité de chaque corps de fonctionnaires interdit d’exiger l’extension automatique d’un avantage octroyé à des agents relevant d’un autre cadre d’emploi de l’État.

B. Le rejet des prétentions à l’équivalence pour des missions particulières Les demandes d’octroi d’indemnités liées à la scolarisation d’élèves handicapés ou à l’éducation inclusive ont également été écartées par la juridiction administrative lors de l’instance. Le juge relève que les bénéficiaires de ces primes nationales appartiennent à des corps différents de ceux des professeurs exerçant dans les établissements nationaux spécialisés. Le requérant ne peut invoquer utilement une rupture d’égalité pour des indemnités réservées par décret à des agents dont le statut est juridiquement étranger au sien. La décision confirme la volonté du juge de préserver la cohérence interne de chaque corps plutôt que de favoriser une uniformisation horizontale des différents régimes indemnitaires.

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Hassan KOHEN
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