Le Conseil d’État a rendu une décision le 6 juin 2025 concernant la légalité d’une sanction disciplinaire infligée à un officier de l’armée de terre. Un lieutenant a refusé de hiérarchiser ses vœux de mobilité puis a adressé directement un compte-rendu critique à sa direction des ressources humaines. Le colonel commandant son unité lui a infligé huit jours d’arrêts pour désobéissance et manquement à son obligation de loyauté professionnelle. L’intéressé a formé un recours gracieux rejeté par l’autorité ministérielle avant de saisir le tribunal administratif qui a transmis l’affaire à la haute juridiction. Le requérant soutient que son action était justifiée par le verrouillage de son formulaire de mobilité et invoque son droit d’expression individuelle. Il demande l’annulation de la sanction ainsi que celle d’une décision l’écartant de toute perspective de futur commandement en unité élémentaire. La question posée au juge est de savoir si le contournement de la procédure hiérarchique et la virulence des propos justifient une sanction disciplinaire. La juridiction rejette les requêtes en considérant que la méconnaissance délibérée des règles d’envoi des souhaits d’affectation constitue une faute disciplinaire caractérisée. Le contournement de la hiérarchie et les critiques infondées justifient légalement la mesure prise par l’autorité investie du pouvoir de sanction.
I. La caractérisation d’un manquement aux obligations militaires
A. Le non-respect de la voie hiérarchique
L’article L. 4122-1 du code de la défense impose aux militaires une obéissance stricte aux ordres de leurs supérieurs pour l’exécution des missions. Le requérant a transmis ses souhaits de mobilité directement au directeur des ressources humaines sans recueillir préalablement les avis de sa hiérarchie directe. Le juge administratif souligne que l’intéressé a « délibérément méconnu les règles encadrant la procédure d’envoi » malgré la possibilité de formuler ses remarques. Cette méconnaissance des devoirs d’obéissance s’attache au statut de militaire et interdit à l’officier de se prévaloir du droit de s’exprimer librement. Dès lors, l’autorité disciplinaire n’a pas inexactement qualifié les faits en retenant le caractère fautif de ce court-circuitage hiérarchique volontaire et injustifié.
B. La méconnaissance du devoir de loyauté
Le devoir de loyauté impose à tout officier une retenue certaine dans l’expression de ses désaccords avec les mesures prises par ses supérieurs. Cependant, le compte-rendu litigieux comportait des termes qualifiés de virulents par le Conseil d’État pour remettre en cause le bien-fondé des décisions hiérarchiques. Ces critiques ne relevaient pas d’une simple maladresse de rédaction mais constituaient un « manquement à l’obligation de loyauté qui s’impose à tout militaire ». Le juge vérifie que les propos tenus excèdent les nécessités de la défense des intérêts personnels de l’agent dans le cadre statutaire. La solution confirme que l’indépendance de l’expression militaire reste limitée par l’exigence de cohésion et le respect dû aux autorités de commandement.
II. La régularité et la proportionnalité de la sanction disciplinaire
A. L’autonomie du pouvoir de sanction
La sanction de huit jours d’arrêts n’est pas jugée disproportionnée au regard de la gravité des manquements constatés chez cet officier de l’armée. Le requérant invoquait vainement l’existence d’une précédente sanction de vingt jours d’arrêts pour contester le bien-fondé de la nouvelle mesure disciplinaire. De plus, le juge précise que l’autorité peut légalement prononcer une sanction si elle se fonde sur des « manquements distincts de ceux ayant justifié la première ». Cette indépendance des poursuites disciplinaires permet à l’administration de réprimer chaque faute nouvelle indépendamment du passé disciplinaire récent de l’agent public. La gravité des faits justifiait à elle seule la sanction attaquée sans que le juge n’ait besoin de rechercher d’autres motifs d’insubordination.
B. L’irrecevabilité des conclusions tardives
Le lieutenant contestait également une décision administrative qui l’écarterait de toute perspective de temps de commandement au sein d’une unité élémentaire des forces. Le Conseil d’État relève que ces conclusions ont été présentées tardivement dans un mémoire en réplique enregistré après l’expiration du délai raisonnable. L’article R. 351-4 du code de justice administrative permet de rejeter les demandes entachées d’une irrecevabilité manifeste insusceptible d’être couverte. La tardiveté de la contestation interdit au juge d’examiner le bien-fondé de la mutation ou des perspectives de carrière évoquées par l’officier requérant. Enfin, le rejet de l’ensemble des prétentions confirme la pleine légalité de la procédure disciplinaire suivie par le commandement militaire contre son subordonné.