Par une décision rendue le 1er juillet 2025, le Conseil d’État précise les conditions d’identification d’une décision administrative confirmative en matière de pensions militaires d’invalidité. Un militaire, titulaire d’une pension pour des infirmités aux genoux, sollicite la révision de ses droits pour aggravation et pour un état dépressif réactionnel. L’administration rejette cette demande, estimant que l’infirmité psychique avait déjà fait l’objet d’un rejet dans une décision de révision intervenue plusieurs années auparavant. Le tribunal administratif de Toulouse fait droit à la requête de l’intéressé par un jugement du 30 juillet 2021. La cour administrative d’appel de Toulouse confirme cette solution le 26 septembre 2023, écartant la fin de non-recevoir tirée du caractère confirmatif de la décision contestée. Le ministre des armées saisit alors la haute juridiction administrative d’un pourvoi en cassation contre cet arrêt d’appel. La question posée porte sur l’incidence d’une mention spontanée de l’administration sur la recevabilité d’un recours ultérieur portant sur le même objet médical. Le Conseil d’État rejette le pourvoi, considérant que l’absence de demande initiale fait obstacle à la qualification de décision confirmative. L’analyse portera d’abord sur la primauté de l’objet de la demande avant d’envisager la protection effective du droit au recours.
I. La primauté de l’objet de la demande dans la qualification du caractère confirmatif
A. L’exigence d’une identité d’objet entre les décisions successives
Le juge administratif rappelle qu’une décision revêt un caractère confirmatif si son objet est identique à celui d’une décision antérieure devenue définitive entre-temps. Cette identité d’objet s’apprécie « au regard de l’objet de la demande dont a été saisie l’autorité administrative » selon les termes de la haute juridiction. Le mécanisme juridique impose l’absence de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait entre les deux actes administratifs successifs. En l’espèce, la première demande de révision formée en janvier 2013 ne portait que sur l’aggravation des infirmités relatives aux deux genoux du requérant. La seconde demande, déposée en septembre 2016, introduisait pour la première fois une demande de pension au titre d’une infirmité nouvelle. L’objet des deux saisines différait donc substantiellement, interdisant de considérer le second refus comme la simple confirmation du premier acte de liquidation. Cette importance accordée à la saisine initiale permet alors de distinguer les éléments décisifs des simples mentions incidentes.
B. L’exclusion des mentions surabondantes dépourvues de saisine préalable
La décision de 2013 mentionnait un état dépressif comme une « infirmité n’ouvrant pas droit à pension » car non imputable au service par défaut de preuve. Le Conseil d’État souligne toutefois que cette précision avait été apportée « à titre surabondant en l’absence de toute demande en ce sens » de l’administré. L’administration ne peut pas créer un caractère définitif sur un point de droit pour lequel elle n’a jamais été formellement saisie par l’intéressé. Cette mention incidente, purement descriptive, ne constitue pas une réponse à une prétention juridique et ne saurait donc faire courir le délai de recours contentieux. La cour administrative d’appel de Toulouse n’a donc pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’absence d’identité d’objet faisait obstacle à la tardivité. Le raisonnement des juges du fond assure ainsi une cohérence entre l’étendue de la saisine et l’autorité des décisions administratives qui en résultent.
II. La préservation du droit au recours en matière de pensions militaires
A. Une interprétation rigoureuse de l’irrecevabilité pour tardivité
Le Conseil d’État refuse de valider une pratique administrative qui consisterait à rejeter par avance des droits non encore revendiqués par les administrés concernés. L’irrecevabilité pour tardivité est une sanction grave qui suppose que l’administré ait été en mesure d’exercer son droit au recours de manière effective. En l’absence de demande réelle portant sur l’état dépressif, le requérant ne pouvait pas être regardé comme ayant laissé expirer son délai d’action. La solution retenue privilégie la réalité de la contestation sur la forme apparente de l’acte administratif notifié par le service des pensions. Le ministre des armées ne peut donc pas se prévaloir de ses propres mentions spontanées pour opposer ensuite une clôture définitive des droits au pensionné. Cette rigueur dans l’appréciation du caractère confirmatif sécurise le parcours juridique des victimes de guerre et des militaires blessés lors du service.
B. La portée d’une solution protectrice des droits des administrés
La décision confirme que le contentieux des pensions militaires reste marqué par une volonté de protéger le droit de l’intéressé à voir ses infirmités examinées. La solution garantit que chaque demande nouvelle ou chaque aggravation réelle pourra faire l’objet d’un examen au fond par le juge administratif toulousain. En écartant la qualification de décision confirmative, le Conseil d’État évite que des mentions médicales portées au dossier n’agissent comme des barrières procédurales insurmontables. Les militaires peuvent ainsi solliciter la reconnaissance d’infirmités apparues postérieurement ou révélées par des expertises sans craindre une forclusion fondée sur des décisions antérieures. Cette jurisprudence renforce la loyauté des relations entre l’administration de la défense et ses agents en limitant les effets des décisions purement informatives. L’arrêt assure ainsi le maintien d’un accès effectif au juge pour la réparation intégrale des dommages subis par les militaires en service.