8ème – 3ème chambres réunies du Conseil d’État, le 20 mai 2025, n°498461

Le Conseil d’État a rendu, le 20 mai 2025, une décision importante relative à la recevabilité des demandes de provision formées par les personnes publiques agissant comme créancières.

Une société exploitant une centrale hydroélectrique sur la Meuse a cessé de s’acquitter des redevances dues pour l’occupation du domaine public fluvial depuis l’année deux mille quatorze. L’établissement public compétent a alors sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le versement d’une provision correspondant au montant des taxes impayées.

Après un rejet de sa demande en première instance le 11 juillet 2024, le créancier public a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nancy. La présidente de cette juridiction a annulé l’ordonnance initiale et condamné la société au versement de la provision demandée par une ordonnance du 2 octobre 2024. La société requérante s’est alors pourvue en cassation, invoquant notamment l’irrégularité de la procédure suivie devant la cour administrative d’appel de Nancy au regard des droits de la défense.

La haute juridiction administrative doit déterminer si une personne publique peut valablement solliciter une provision juridictionnelle lorsqu’elle dispose par ailleurs du pouvoir d’émettre des titres exécutoires. Le Conseil d’État sanctionne d’abord la méconnaissance du principe du contradictoire en appel avant de préciser le régime d’irrecevabilité des demandes de provision formées par les administrations.

I. La sanction de la méconnaissance du principe du contradictoire

A. L’exigence de la contradiction dans la procédure de référé

Aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative, « l’instruction des affaires est contradictoire » et ces « exigences sont adaptées à celles de l’urgence ». Le juge des référés de la cour administrative d’appel de Nancy a toutefois statué avant l’expiration du délai imparti à la société pour produire ses observations. Le retrait du pli recommandé par le destinataire marquait le point de départ d’un délai de huit jours qui n’était pas encore achevé lors du rendu.

B. L’annulation de l’ordonnance pour vice de procédure

Le respect des délais de procédure constitue une garantie fondamentale pour les justiciables, même dans le cadre particulier et rapide des procédures d’urgence du référé. L’ordonnance attaquée est donc annulée car elle a été rendue à l’issue d’une procédure irrégulière ayant privé la partie adverse de la possibilité de répliquer utilement. Faisant usage de son pouvoir d’évocation, la juridiction suprême décide alors de régler l’affaire au titre de la procédure de référé initialement engagée par l’établissement.

II. L’irrecevabilité de la demande de provision formée par une personne publique

A. La priorité accordée à l’émission de titres exécutoires

La décision énonce solennellement qu’une « collectivité publique est irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre » elle-même. Le pouvoir d’émettre des titres exécutoires permet aux administrations de recouvrer leurs créances sans solliciter l’autorisation du juge, contrairement aux personnes privées soumises au droit commun. La saisine est ainsi « dépourvue d’objet » car la décision demandée au juge aurait « les mêmes effets que le titre émis antérieurement » par l’autorité compétente.

B. Le caractère restrictif des exceptions à l’irrecevabilité

L’irrecevabilité peut être levée si la collectivité justifie de « vaines tentatives d’exécution du titre exécutoire » ou de l’utilité d’une décision pour un recouvrement sur des biens étrangers. L’établissement public n’apportait toutefois pas la preuve suffisante d’une insolvabilité organisée sur le territoire français pour justifier de l’utilité d’une telle décision de justice exécutoire. Le juge rejette finalement la demande de provision, faute pour le créancier public d’avoir tenté d’exécuter ses propres titres préalablement émis auprès des divers débiteurs de la société.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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