8ème – 3ème chambres réunies du Conseil d’État, le 7 février 2025, n°474032

Le Conseil d’État a rendu, le 7 février 2025, une décision précisant le régime de communication des documents détenus par la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale. Un journaliste a sollicité la transmission des courriers et notes internes relatifs aux signalements de contenus numériques effectués par cet organisme lors du scrutin présidentiel de 2022. À la suite du refus de l’autorité administrative de transmettre ces pièces, le requérant a saisi la juridiction administrative pour obtenir l’annulation de cette décision restrictive. La haute juridiction doit déterminer si les pièces élaborées par une instance de régulation électorale indépendante revêtent un caractère administratif et si leur communication est possible. Elle juge que ces documents sont administratifs et communicables, sous réserve de l’occultation des mentions nominatives protégeant la vie privée des tiers et des agents. L’analyse portera d’abord sur la qualification juridique des documents produits par la commission (I), avant d’étudier les modalités concrètes de leur transmission au public (II).

I. La qualification de documents administratifs des pièces de la commission de contrôle

A. L’inclusion dans le champ du droit à l’information

Les juges rappellent que les documents produits ou reçus dans le cadre d’une mission de service public par l’État constituent, en principe, des documents administratifs communicables. La commission exerce une mission visant à « garantir le bon déroulement de la campagne électorale », ce qui confère à ses actes un lien direct avec le service public. Cette nature administrative demeure inchangée, même si les documents concernent des faits susceptibles de revêtir une qualification pénale ou de fonder une décision électorale ultérieure. Le Conseil d’État affirme ainsi que de tels écrits entrent « dans le champ des articles L. 300-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration ». Cette solution renforce la transparence des autorités administratives indépendantes agissant au nom de l’État pour assurer la régularité des consultations politiques nationales.

B. L’exclusion de la nature juridictionnelle des actes

La décision précise que les documents en cause ne revêtent pas un caractère juridictionnel malgré leur lien étroit avec le contrôle de la légalité du scrutin présidentiel. Cette distinction est fondamentale puisque les actes de nature juridictionnelle échappent traditionnellement au droit d’accès garanti par le code des relations entre le public et l’administration. L’indépendance de la commission, soulignée par sa composition, renforce l’idée d’un organe administratif spécifique dont les délibérations ne se confondent pas avec celles du Gouvernement. En conséquence, les pièces internes et les correspondances externes ne bénéficient d’aucune immunité systématique faisant obstacle à leur examen par les citoyens curieux de l’action publique. Cette qualification administrative permet alors d’interroger les motifs légaux susceptibles de limiter la communication effective des pièces demandées par les usagers du droit.

II. Le régime de communicabilité entre transparence et protection des secrets

A. L’éviction des secrets liés au pouvoir exécutif et à l’action pénale

La haute juridiction écarte l’application du secret des délibérations du Gouvernement en raison de l’indépendance organique dont bénéficie la commission de contrôle de la campagne électorale. Elle considère également que la communication des courriels et rapports sollicités n’est pas de nature à porter atteinte « à la recherche et à la prévention d’infractions ». Cette position favorise une transparence accrue sur les critères de signalement des contenus numériques considérés comme contraires aux dispositions impératives du code électoral national en vigueur. La décision garantit ainsi que les secrets protégés par la loi ne sont pas utilisés de manière extensive pour occulter le fonctionnement régulateur de la puissance publique. Le juge administratif s’assure que seules les exceptions strictement nécessaires à l’intérêt général ou à la protection d’autrui font obstacle au droit à l’information.

B. Les limites nécessaires à la protection de la vie privée et des tiers

Le juge module toutefois le droit à la communication en imposant l’occultation systématique des données nominatives permettant l’identification des personnes privées ou des agents subalternes. La protection de la vie privée, garantie par le code, exige que les noms, prénoms et adresses électroniques personnelles soient retirés avant toute transmission au demandeur initial. Les courriers de particuliers informant l’administration d’un comportement litigieux sont ainsi protégés afin d’éviter tout préjudice potentiel résultant de la divulgation publique de leur identité. Le Conseil d’État annule donc le refus partiel de communication tout en encadrant strictement les modalités techniques de mise à disposition des documents administratifs litigieux. Cette solution équilibrée concilie l’exigence démocratique de transparence des institutions électorales avec le respect fondamental dû à la sphère privée des citoyens et des employés.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture