8ème chambre du Conseil d’État, le 11 juillet 2025, n°502847

Le Conseil d’État, par une décision rendue le 11 juillet 2025, précise l’articulation entre les délais de production des mémoires et les demandes d’aide juridictionnelle. Un contribuable contestait des redressements d’impôt sur le revenu et des contributions sociales portant sur les années 2009 et 2010. À la suite d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 21 mars 2024, un pourvoi fut formé le 25 juillet 2024. L’intention de produire un mémoire complémentaire fut alors exprimée, tandis qu’une demande d’aide juridictionnelle fut déposée le 10 octobre 2024. Par une ordonnance du 31 janvier 2025, la présidente de la neuvième chambre donna acte du désistement pour défaut de production. L’intéressé a alors formé un recours en rectification d’erreur matérielle afin de poursuivre l’instruction de son pourvoi initial. La question posée était de savoir si la demande d’aide juridictionnelle interrompt effectivement le délai de trois mois pour produire un mémoire complémentaire. Le Conseil d’État juge que cette demande interrompt le délai de production et que l’omission de cet effet constitue une erreur matérielle. L’analyse portera sur l’interruption du délai de production par l’aide juridictionnelle avant d’examiner les conséquences procédurales du rétablissement de l’instance.

**I. La consécration de l’interruption du délai de production par l’aide juridictionnelle**

**A. L’application rigoureuse du mécanisme interruptif des délais de procédure**

L’article 39 du décret du 19 décembre 1991 dispose que la demande d’aide juridictionnelle interrompt les délais de recours devant le Conseil d’État. La haute juridiction rappelle que « lorsqu’une demande d’aide juridictionnelle (…) est adressée au bureau (…) avant l’expiration du délai imparti (…), ce délai est interrompu ». Cette règle fondamentale garantit l’accès effectif au juge pour les justiciables disposant de ressources financières limitées durant l’instance de cassation. En l’espèce, la demande fut enregistrée le 10 octobre 2024, soit avant le terme du délai de trois mois courant depuis le pourvoi. Un nouveau délai ne court qu’à compter de la notification de la décision prise par le bureau d’aide juridictionnelle à la partie. La règle s’applique ainsi de plein droit dès lors que la demande intervient avant l’expiration du délai initialement imparti au requérant.

**B. La qualification du constat de désistement prématuré comme erreur matérielle**

L’article R. 611-22 du code de justice administrative prévoit un désistement d’office si le mémoire complémentaire n’est pas produit dans les trois mois. La juridiction administrative avait prononcé ce désistement en ignorant l’interruption déclenchée par la sollicitation de l’aide juridictionnelle déposée par le requérant. Le Conseil d’État considère que l’ordonnance « a omis de tenir compte de la demande d’aide juridictionnelle » formée régulièrement par la partie intéressée. Le constat d’un désistement d’office dans ces conditions constitue une erreur de fait ouvrant la voie au recours en rectification d’erreur matérielle. Cette omission ne procède d’aucune appréciation juridique mais d’une simple méconnaissance des pièces figurant effectivement au dossier de la procédure. Le juge administratif doit alors annuler la décision prise par erreur pour permettre un examen effectif des moyens sérieux du pourvoi.

**II. Les conséquences procédurales limitées du rétablissement de l’instance**

**A. La nullité de l’ordonnance de désistement irrégulière**

La reconnaissance de l’erreur matérielle entraîne nécessairement l’annulation de la décision de désistement qui avait été prise de manière prématurée par la présidente. Le Conseil d’État déclare cette ordonnance « nulle et non avenue » afin de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient initialement. Cette mesure de remise en l’état permet de purger la procédure des conséquences d’un décompte erroné des délais de production des mémoires. L’instance se poursuit donc normalement pour examiner les moyens de droit soulevés par le contribuable dans ses écritures déposées le 27 mars 2025. La protection des droits de la défense impose cette correction dès lors que le délai de production courait encore au moment de l’ordonnance. La procédure reprend son cours normal afin que la juridiction puisse se prononcer sur le sérieux des arguments invoqués par le requérant.

**B. L’appréciation souveraine de la recevabilité du pourvoi sur le fond**

La poursuite de l’instruction permet au juge de vérifier si les critiques adressées à l’arrêt d’appel justifient un débat au fond devant la juridiction. Le requérant soutenait que la cour administrative d’appel de Marseille avait dénaturé les faits concernant son adresse habituelle située dans la ville de Miami. La haute juridiction estime toutefois qu’aucun des moyens soulevés n’est « de nature à permettre l’admission du pourvoi » formé par le contribuable. Le bénéfice de l’aide juridictionnelle et le rétablissement de l’instance n’assurent pas pour autant le succès des prétentions juridiques sur le fond. La décision finale rejette ainsi le pourvoi, confirmant que la régularisation de la forme ne préjuge jamais du bien-fondé du recours exercé.

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Hassan KOHEN
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