Le Conseil d’État, par une décision du 13 mai 2025, a précisé les conditions de recevabilité du recours en référé contre une mesure d’affectation. Un agent public contestait son affectation dans une commune spécifique, alors que ce poste figurait parmi ses vœux de mutation au quatrième rang. Par une ordonnance du 8 novembre 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a partiellement suspendu l’exécution de cette décision d’affectation. Saisi par le ministre de l’économie, le juge de cassation devait déterminer si un agent justifie d’un intérêt à agir contre une mesure conforme à ses vœux. Le Conseil d’État considère que l’affectation correspondant à une demande formulée ne lèse pas l’agent, rendant sa requête irrecevable pour défaut d’intérêt à agir. Cette solution repose sur une lecture stricte des conditions de recevabilité destinées à stabiliser les actes de gestion administrative du personnel (I). Elle souligne également les conséquences juridiques des choix exprimés par les agents lors des procédures de mouvement au sein de la fonction publique (II).
I. L’irrecevabilité de la contestation d’un acte faisant droit aux vœux de l’administré
A. L’absence d’intérêt à agir contre une décision conforme aux souhaits exprimés
Le Conseil d’État rappelle le principe selon lequel le requérant doit justifier d’un intérêt direct et certain pour contester la légalité d’un acte. En l’espèce, l’agent avait volontairement inscrit le poste contesté parmi ses vœux de mutation, occupant une place précise dans sa liste de préférences. La haute juridiction souligne que « dès lors que la décision en litige a fait droit à une de ses demandes », l’intéressé n’est pas lésé. Le juge administratif estime que l’administration n’adopte pas une mesure faisant grief lorsqu’elle accède, même partiellement, à une demande subsidiaire du fonctionnaire. La recevabilité du recours suppose l’existence d’un préjudice qui fait ici défaut puisque la volonté de l’agent a été satisfaite par l’autorité.
B. La rigueur du contrôle de la recevabilité par le juge de cassation
La décision censure l’ordonnance de première instance en relevant une erreur de droit commise par la juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. Cette dernière avait initialement admis la recevabilité de la requête malgré le fait que l’affectation résultait d’un choix préalable exprimé par la requérante. Le juge de cassation exerce un contrôle étroit sur l’intérêt à agir, condition d’ordre public dont le respect s’impose impérativement dès l’introduction de l’instance. En jugeant que les demandes de suspension « ne pouvaient qu’être regardées comme irrecevables », le Conseil d’État réaffirme la primauté des conditions de forme. Cette approche interdit désormais au juge de premier ressort d’ignorer la cohérence entre les sollicitations des agents et les décisions administratives qui en découlent.
II. La portée de la solution sur le contentieux des mutations administratives
A. La consolidation de la stabilité des actes de gestion du personnel
La solution rendue par le Conseil d’État garantit la sécurité juridique des mouvements de personnel au sein des grandes administrations déconcentrées de l’État. En fermant la voie du recours contre les affectations conformes aux vœux, le juge évite une paralysie durable des procédures de mutation collective. L’administration doit pouvoir s’appuyer sur les listes de vœux pour organiser ses services sans craindre des contestations systématiques de la part des agents. Cette jurisprudence protège l’efficacité de l’action administrative en validant les décisions qui respectent scrupuleusement le cadre de sollicitation défini par les fonctionnaires. La stabilité des tableaux de mutation constitue un impératif de gestion indispensable pour assurer la continuité du service public sur l’ensemble du territoire.
B. Les limites de la protection juridictionnelle face aux choix subsidiaires de l’agent
L’arrêt souligne les conséquences de la formulation de vœux multiples, lesquels engagent l’agent public dans ses relations futures avec son autorité de nomination. Le juge administratif considère que le consentement exprimé lors de la demande de mutation prive l’intéressé de tout grief concernant les postes listés. La protection juridictionnelle ne saurait s’étendre à la contestation d’une situation que le requérant a lui-même provoquée en émettant un souhait, fût-il subsidiaire. Cette interprétation impose aux agents une vigilance particulière lors de la rédaction de leurs demandes, chaque vœu étant susceptible de devenir une affectation définitive. Le refus de reconnaître un intérêt à agir marque ainsi la frontière entre la déception individuelle et l’illégalité manifeste de l’acte administratif contesté.