La haute juridiction administrative a rendu, le 18 juin 2025, une décision référencée ECLI:FR:CECHR:2025:492318.20250618 concernant la transparence et l’intégrité du marché de gros de l’énergie. Entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, une société de production énergétique a connu des indisponibilités fortuites sur ses installations thermiques. L’absence de publication immédiate de ces données techniques a conduit le régulateur à ouvrir une enquête pour des manquements aux obligations de transparence. Un procès-verbal d’infraction a été notifié le 11 octobre 2022, suivi d’une saisine de l’autorité de sanction le 10 janvier 2023 par le régulateur. Le 26 décembre 2023, ce comité a prononcé une sanction pécuniaire de 500 000 euros pour violation des obligations de publication et d’interdiction d’opérations d’initiés. La société requérante soutient que les délais de réponse étaient insuffisants et que les informations litigieuses ne revêtaient pas un caractère privilégié précis. Le juge administratif doit ainsi déterminer si le défaut de publicité immédiate d’un aléa technique caractérise un abus de marché sanctionnable par le régulateur. La juridiction rejette les griefs relatifs à la procédure mais réduit le montant de l’amende en raison d’un nombre d’infractions prouvées plus limité. Cette décision appelle une analyse de la notion d’information privilégiée suivie d’une étude du contrôle exercé sur la proportionnalité de la sanction prononcée.
I. La caractérisation rigoureuse de l’information privilégiée et de sa publicité
A. Une définition extensive du caractère précis de l’information
Le caractère précis de l’information constitue la condition essentielle pour imposer une obligation de publicité aux acteurs du marché de gros de l’énergie. La haute juridiction considère qu’une donnée est précise dès qu’elle permet d’évaluer l’effet possible d’un événement sur les cours des produits énergétiques. Il n’est pas nécessaire que les circonstances soient certaines ou définitives pour que l’exploitant soit tenu d’informer les autres intervenants du marché. « Une information relative à une variation de disponibilité d’une unité de production présente, dès son constat, un caractère précis » souligne la décision souveraine. Cette interprétation privilégie la transparence immédiate sur la certitude technique afin de prévenir toute asymétrie d’information entre les producteurs et les acheteurs. La précision s’apprécie donc au regard du potentiel d’influence sur le marché plutôt que par la stabilité finale de la donnée technique.
B. L’exigence d’une divulgation publique en temps utile
La réglementation impose aux entreprises de divulguer publiquement les informations privilégiées qu’elles détiennent de manière effective et en temps utile pour tous. Le juge administratif valide le principe d’un délai de publication d’une heure à compter du constat effectif de l’indisponibilité d’une unité de production. L’exploitant ne peut invoquer ses propres contraintes organisationnelles ou opérationnelles pour justifier un dépassement de ce délai raisonnable fixé par les autorités européennes. La décision rappelle que l’information doit être publiée le plus tôt possible pour éviter que des tiers ne pâtissent d’un manque de transparence. Cette exigence de célérité garantit que le prix des produits énergétiques de gros reflète fidèlement la réalité des capacités de production disponibles. L’absence de motif objectif justifiant le retard caractérise ainsi un manquement sanctionnable au titre de l’intégrité du marché intérieur de l’énergie.
II. Le contrôle strict des abus de marché et la proportionnalité de la sanction
A. La répression encadrée de l’utilisation d’informations privilégiées
L’interdiction d’utiliser une information privilégiée vise à empêcher les transactions réalisées sur la base d’un avantage informationnel indu au détriment des autres acteurs. La transmission interne de données non publiques entre les équipes techniques et les équipes de marché peut suffire à caractériser une pratique d’initié illicite. Le juge opère néanmoins une distinction rigoureuse en vérifiant si les opérations de marché ont été effectivement déterminées par la connaissance de l’information. Il écarte de la sanction les transactions programmées antérieurement à l’incident ou destinées à la couverture d’autres actifs de production de la société. « Quarante-cinq des opérations en litige avaient été programmées avant l’indisponibilité ou avaient pour objet la couverture des besoins d’autres actifs de production » précise l’arrêt. Cette analyse factuelle garantit que la répression des abus de marché ne s’applique qu’aux comportements ayant réellement exploité une information privilégiée non divulguée.
B. L’ajustement souverain de la sanction pécuniaire
La sanction pécuniaire infligée par l’autorité de régulation doit respecter le principe de proportionnalité au regard de la gravité des manquements et du dommage causé. Le juge administratif exerce un contrôle de pleine juridiction lui permettant de réformer le montant de l’amende prononcée par l’organisme de sanction initial. La réduction du nombre d’opérations d’initiés prouvées conduit la haute juridiction à revoir à la baisse le quantum de la peine pécuniaire prononcée. La somme due par la société est ramenée de 500 000 à 490 000 euros pour tenir compte de la réalité du nombre d’infractions. Cette décision illustre la volonté de maintenir une sanction dissuasive tout en l’ajustant scrupuleusement à la matérialité des faits reprochés à l’entreprise. L’équilibre ainsi trouvé assure la crédibilité de la régulation tout en protégeant les acteurs contre des sanctions excessives ou insuffisamment justifiées en fait.