Le Conseil d’État a rendu le 19 mai 2025 une décision portant sur l’obligation de réexamen des actes administratifs devenus définitifs mais contraires au droit européen. Une société étrangère a acquitté des retenues à la source sur des dividendes perçus auprès d’une entité résidente entre les années 2008 et 2010. Après le rejet d’une première réclamation, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé l’imposition par un arrêt rendu le 29 janvier 2015. La société requérante a ensuite sollicité la restitution des sommes versées en se fondant sur une jurisprudence nouvelle de la Cour de justice de l’Union européenne. L’administration a opposé un refus implicite à cette demande de dégrèvement d’office formulée sur le fondement du livre des procédures fiscales. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la contestation de ce refus par un jugement du 4 octobre 2023 dont la société demande l’annulation. La juridiction doit déterminer si le silence de l’administration constitue un acte gracieux insusceptible de recours ou une décision dont la légalité peut être discutée. Le juge administratif considère que le principe de coopération loyale impose un réexamen obligatoire dès lors qu’une erreur de droit européen est révélée ultérieurement. Cette solution conduit à une requalification de la nature du litige qui sera étudiée à travers l’obligation de réexamen puis ses conséquences procédurales.
**I. L’affirmation d’une obligation de réexamen fondée sur le principe de coopération loyale**
**A. Le passage d’un pouvoir gracieux à une compétence liée de l’administration**
Le dégrèvement d’office prévu par le livre des procédures fiscales revêt en principe un caractère purement gracieux rendant son refus insusceptible de tout recours juridictionnel. Toutefois, le Conseil d’État précise que l’administration est « tenue de faire usage du pouvoir conféré par les dispositions du livre des procédures fiscales » en présence d’une jurisprudence européenne postérieure. Cette mutation de la compétence administrative s’opère lorsque le rejet d’une réclamation est devenu définitif à la suite d’une interprétation erronée du droit européen. L’autorité de la chose jugée s’efface ainsi devant l’exigence de rétablir la légalité des impositions indûment perçues au regard des traités fondamentaux de l’Union.
**B. La transposition des conditions strictes fixées par la jurisprudence européenne**
La solution repose sur le principe de coopération loyale qui impose aux organes administratifs de réexaminer une décision définitive pour tenir compte d’une interprétation nouvelle. Cette obligation s’applique si la décision est devenue définitive après un arrêt national de dernier ressort fondé sur une lecture erronée n’ayant pas fait l’objet d’un renvoi. La Cour de justice exige également une saisine immédiate de l’administration par l’intéressé après la prise de connaissance de l’arrêt de principe révélant l’erreur. Le juge national valide ces critères en imposant un réexamen afin de « tenir compte de l’interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour ».
**II. La normalisation du régime contentieux consécutive à la qualification de l’acte**
**A. La reconnaissance d’un droit au recours effectif contre le refus de réexamen**
Le changement de nature de la décision administrative entraîne l’ouverture d’un recours devant la juridiction administrative pour contester le refus de procéder au réexamen sollicité. La décision ne peut plus être regardée comme « revêtant un caractère gracieux » ce qui permet au juge de contrôler la légalité du refus opposé au contribuable. Le Conseil d’État souligne que les restitutions prononcées dans ce cadre spécifique doivent donner lieu au paiement des intérêts moratoires prévus par la législation fiscale. Cette garantie assure une réparation intégrale du préjudice subi par l’entreprise tout en respectant les principes d’effectivité et d’équivalence garantis par l’ordre européen.
**B. La détermination de la voie d’appel de droit commun pour le justiciable**
Le litige portant sur ce refus de réexamen ne figure pas parmi les exceptions limitatives pour lesquelles le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Les requêtes contestant des remises gracieuses sont exclues de l’appel mais cette restriction ne s’applique pas aux décisions prises dans le cadre d’une compétence liée. En conséquence, le recours dirigé contre le jugement de première instance présente le caractère d’un appel et non d’un pourvoi en cassation relevant de la juridiction suprême. Le Conseil d’État attribue donc le jugement de l’affaire à la cour administrative d’appel de Paris pour qu’elle statue sur le fond de la demande.