9ème – 10ème chambres réunies du Conseil d’État, le 2 juin 2025, n°496266

Par une décision rendue le 2 juin 2025, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le régime d’exonération fiscale applicable dans les zones de revitalisation rurale. Un masseur-kinésithérapeute a transféré son cabinet professionnel dans une commune éligible à ce dispositif de faveur pour y poursuivre son activité libérale. L’administration a refusé le bénéfice de l’exonération prévue par l’article 44 quindecies du code général des impôts lors d’une vérification de comptabilité. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de décharge du contribuable par un jugement rendu en date du 30 décembre 2021. La cour administrative d’appel de Toulouse a confirmé ce rejet par un arrêt du 23 mai 2024 en retenant l’existence d’un simple transfert. Le requérant s’est alors pourvu en cassation en contestant l’interprétation restrictive des juges du fond concernant la notion de création d’entreprise au sein de la zone. La question posée porte sur l’éligibilité d’une activité transférée depuis l’extérieur d’une zone de revitalisation rurale au bénéfice d’une exonération d’impôt sur le revenu. Le Conseil d’Etat annule l’arrêt d’appel en affirmant que le transfert d’une activité préexistante peut ouvrir droit à l’avantage fiscal sollicité par le contribuable. L’étude de cette décision nécessite d’analyser l’assimilation du transfert à une création (I) ainsi que l’inopérance des critères de mutation de l’exploitation (II).

**I. L’assimilation du transfert géographique à une création d’activité éligible**

*A. Le dépassement de l’opposition entre création et transfert d’entreprise*

Le Conseil d’Etat juge que les entreprises créées « peuvent bénéficier de l’exonération qu’elles prévoient » même si leur installation résulte du transfert d’une activité préexistante. Cette solution écarte l’analyse de la cour administrative d’appel de Toulouse qui distinguait la création ex nihilo du simple déplacement de moyens matériels. La Haute Juridiction administrative se fonde sur une lecture littérale des dispositions fiscales pour inclure les transferts opérés depuis l’extérieur des zones protégées.

*B. La prise en compte de la volonté du législateur sur l’attractivité territoriale*

L’arrêt se réfère explicitement aux « travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 » pour éclairer la portée de la loi. L’objectif de revitalisation des territoires ruraux justifie que le législateur encourage l’implantation de nouveaux professionnels, quelle que soit l’origine géographique de leur activité antérieure. L’absence de restriction textuelle concernant la provenance de l’activité transférée permet ainsi de valider le bénéfice de l’exonération pour le masseur-kinésithérapeute concerné par le litige.

La reconnaissance de la création par transfert géographique s’accompagne d’une indifférence notable quant aux modalités concrètes de poursuite de l’activité professionnelle.

**II. L’inopérance des critères matériels et juridiques de l’exploitation**

*A. La neutralité du maintien de la clientèle sur le droit à l’exonération*

Le Conseil d’Etat affirme que le bénéfice de l’avantage fiscal ne dépend pas d’un « renouvellement, pas même partiel, de la clientèle » du professionnel libéral. La cour administrative d’appel de Toulouse avait pourtant fondé son refus sur le fait que le praticien conservait la même zone géographique d’intervention habituelle. Cette exigence de mutation de la base patientèle est jugée étrangère aux conditions fixées par l’article 44 quindecies du code général des impôts.

*B. L’absence d’exigence relative à la modification de la forme juridique*

La décision précise que le maintien de la « même forme juridique de l’exploitation » ne saurait constituer un obstacle légal au bénéfice de l’exonération temporaire. Le juge de cassation censure l’erreur de droit consistant à exiger une transformation de la structure d’exercice pour caractériser une création d’entreprise nouvelle. Cette solution sécurise les professionnels libéraux souhaitant déplacer leur cabinet vers des zones rurales sans être contraints de modifier les modalités de leur exercice.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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