9ème – 10ème chambres réunies du Conseil d’État, le 20 décembre 2024, n°492173

Le Conseil d’État, par une décision du 20 décembre 2024, précise le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux redevances d’image des sportifs professionnels. Cette décision porte sur l’assujettissement fiscal des rémunérations versées en exécution des contrats d’exploitation commerciale de l’image, du nom ou de la voix des athlètes. Un syndicat professionnel a sollicité l’administration fiscale afin d’obtenir la confirmation que les redevances versées aux sportifs échappaient à la taxe sur la valeur ajoutée. L’autorité administrative a toutefois estimé, par deux courriers de 2021, que ces sommes étaient soumises à ladite taxe en raison de leur nature économique. Le tribunal administratif de Paris, saisi d’une demande d’annulation de cette position, a transmis le dossier à la Haute juridiction par un jugement du 27 février 2024. Le requérant soutient que l’absence d’indépendance des sportifs salariés fait obstacle à l’application des règles relatives au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. La question est de savoir si l’exploitation commerciale des attributs de la personnalité d’un salarié constitue une activité économique exercée de façon indépendante. Le juge administratif rejette la requête en jugeant que les sportifs agissent sans lien de subordination et supportent personnellement le risque économique lié à cette exploitation. L’analyse du raisonnement tenu par la juridiction conduit à étudier la reconnaissance d’une activité indépendante avant d’examiner la conformité de cette solution.

I. La reconnaissance d’une activité économique indépendante du contrat de travail

A. L’absence de subordination juridique dans l’exploitation de l’image

Le juge administratif s’appuie sur les dispositions du code du sport pour écarter l’existence d’un lien de subordination lors de l’exploitation commerciale de l’image. Le législateur prévoit que les sportifs « ne peuvent être regardés, dans l’exécution du contrat […] comme liés à l’association ou à la société sportive par un lien de subordination ». Cette règle crée une séparation juridique entre les obligations du contrat de travail et celles relatives à la concession des droits de la personnalité. Le Conseil d’État relève que la conclusion d’un tel contrat n’est pas un « accessoire obligatoire » de la relation salariée liant l’athlète à son employeur. Dès lors, le sportif n’est pas soumis aux instructions de la société sportive pour l’utilisation commerciale de son nom, de son image ou de sa voix. Cette autonomie constitue le critère fondamental permettant de qualifier l’athlète d’assujetti indépendant au sens des règles fiscales nationales et européennes en vigueur. L’indépendance est ainsi constatée malgré la coexistence d’un statut de salarié pour l’activité sportive exercée par ailleurs au sein de la même structure.

B. L’existence d’un risque économique propre au sportif

L’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée suppose également que le prestataire de services supporte personnellement le risque économique lié à l’exercice de son activité. Le Conseil d’État observe que la redevance perçue par l’athlète n’est pas fixe mais « fonction des recettes générées par cette exploitation commerciale » des attributs de son image. En acceptant une rémunération fluctuante selon le succès commercial de son nom, l’intéressé « supporte le risque économique lié à cette opération en sa qualité de concédant ». Cette incertitude financière distingue cette part de revenu du salaire habituel, lequel demeure garanti par le contrat de travail indépendamment de la rentabilité publicitaire. Le juge confirme que le sportif accomplit cette mission en son nom et pour son propre compte sans bénéficier de la protection financière totale de l’employeur. L’indépendance de l’activité étant établie par l’absence de subordination et la réalité du risque, il convient d’apprécier la conformité de cette solution au droit européen.

II. Une qualification fiscale conforme aux exigences du droit de l’Union européenne

A. L’articulation rigoureuse entre le statut de salarié et celui d’assujetti

La solution retenue par la Haute juridiction assure une transposition fidèle de la directive européenne relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Le Conseil d’État rappelle qu’une personne peut agir de manière indépendante pour une activité précise même si elle exerce simultanément une profession salariée subordonnée. Cette approche permet de ventiler les revenus d’un individu selon leur nature juridique réelle sans que le lien de subordination principal n’absorbe mécaniquement l’ensemble des activités. Le juge souligne que le sportif n’agit pas comme un subordonné lorsqu’il concède ses droits incorporels car cette opération ne constitue pas l’accessoire indissociable du travail. En refusant de poser une question préjudicielle, la juridiction estime que l’interprétation du droit de l’Union ne soulève aucun doute sérieux au regard de la jurisprudence établie. La décision renforce la cohérence du droit fiscal en soumettant à la taxe toute exploitation commerciale d’un bien incorporel effectuée à titre onéreux.

B. La portée de la décision sur le régime fiscal du sport professionnel

La décision clarifie définitivement le coût fiscal des contrats d’image pour les clubs sportifs ainsi que pour leurs entraîneurs et joueurs de haut niveau. En confirmant l’analyse de l’administration, le Conseil d’État valide l’assujettissement à la taxe de redevances dont le montant financier peut s’avérer significatif pour les budgets. Cette solution prive les groupements professionnels d’un levier d’optimisation fiscale qui aurait consisté à exclure ces sommes du champ d’application de la taxe sur la consommation. La portée de l’arrêt s’étend à l’ensemble des disciplines sportives où l’exploitation commerciale de la notoriété individuelle est organisée par des contrats de concession. La sécurité juridique est garantie pour les acteurs économiques qui doivent désormais intégrer systématiquement la taxe sur la valeur ajoutée dans le calcul de ces rémunérations. La validation de ce schéma fiscal assure une parfaite harmonisation des règles applicables tout en précisant les obligations déclaratives futures des acteurs du sport.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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